Il y a quelques jours le blog de la ligue du Midi mettait en garde ses lecteurs concernant le dernier acte politique de de Manuel Valls qui, avec sa gueule enfarinée, avant de quitter ses fonctions de 1er ministre, créait une Inspection Générale de la Justice  plaçant ainsi la cour de cassation sous le contrôle direct du gouvernement. Nous écrivions : “L’émulsion médiatique couvrant le départ de Manuel Valls le lundi 5 décembre 2016 a occulté la signature – par l’ancien Premier ministre et le garde des sceaux – du Décret n° 2016-1675 du 5 décembre 2016 portant création de l’Inspection Générale de la Justice. Ce décret semble sérieusement remettre en cause la séparation des pouvoirs, fondement de la République française, et notamment l’article 64 de la Constitution de 1958 prévoyant l’indépendance de l’autorité judiciaire, la plaçant notamment sous le contrôle direct du gouvernement par l’intermédiaire du ministre de la Justice”. Evidemment, c’était une image, mais un citoyen très mécontent, a profité d’un déplacement du candidat à l’élection présidentielle pour lui signifier qu’il est plus dur de faire de la politique dans la rue que sous les ors et lambris des Palais de la République. Télescopage de l’actualité, Force Ouvrière-Magistrats venait de déposer un recours pour excès de pouvoir contre le décret.

L’INDÉPENDANCE POUR TOUS !

FO-Magistrats a déposé un recours pour excès de pouvoir contre le décret du 5 décembre 2016

        FO-Magistrats a déposé ce lundi, devant le Conseil d’État, un recours pour excès de pouvoir à l’encontre du décret du 5 décembre 2016 portant création de l’Inspection Générale de la Justice comme il l’avait annoncé.

Pourquoi attaquer ce décret ?

        D’abord pour des raisons de fond. Si un service d’inspection des juridictions de l’ordre judiciaire placé sous les ordres directs du ministre de la justice constitue une atteinte à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance de la justice, le problème vaut pour toutes les juridictions et pas seulement pour la Cour de cassation.

        Or, cette inspection, bien qu’elle soit composée dorénavant de magistrats de l’ordre judiciaire, n’offre elle-même aucune garantie d’indépendance envers le pouvoir exécutif. Ses membres sont nommés par le garde des sceaux sur simple avis du CSM, y compris l’inspecteur général chef de l’inspection, et toutes ses activités sont soumises à une autorisation préalable ou une lettre de mission expresse du ministre. Comment parler d’indépendance pour un organe de contrôle qui ne peut s’auto-saisir et dont toute l’activité, au contraire, est fixée par le ministre ?

        De plus, qu’elle exerce ses compétences en matière de contrôle de fonctionnement des juridictions ou dans le cadre « prédisciplinaire » des enquêtes administratives demandées par le garde des sceaux, l’inspection dispose des pouvoirs les plus étendus pour s’ingérer dans le fonctionnement juridictionnel et la « manière de servir » des magistrats.

En finir avec le mépris de la justice

        FO-Magistrats entend également faire respecter les formes juridiques qui distinguent la justice des autres services de l’Etat. Le décret du 25 juillet 1964 relatif à l’organisation du ministère de la justice, qui avait aussi créé l’IGSJ, avait consacré la compétence du Président de la République puisqu’il s’agissait d’un décret en Conseil des ministres. Si le Président peut renoncer à sa compétence au profit du gouvernement (Conseil d’Etat, 27 avril 1994), encore faut-il que celui-ci l’accepte expressément par décret en Conseil des ministres (Conseil d’Etat, 18 octobre 2006), ce qui n’a jamais été le cas. Le décret du 9 juillet 2008 qui abrogeait celui de 1964 était irrégulier, mais cette irrégularité n’a créé aucun droit à dénaturer pour l’avenir les textes qui relèvent de la compétence du Président de la République.

        En tout état de cause, FO-Magistrats conteste le fait que l’IGJ soit placée au rang d’un simple service du ministère de la justice. Sa création est une mesure d’application de l’ordonnance du 22 décembre 1958 qui ne peut relever, au minimum, que d’un décret en Conseil d’Etat. Si le Premier ministre avait suivi la procédure qu’implique un décret en Conseil d’Etat ou, a fortiori celle du décret en Conseil des ministres, nous n’aurions pas eu sans doute à saisir le Conseil d’Etat en sa formation contentieuse.

        FO-Magistrats souhaite que le Conseil d’Etat examine au plus vite son recours car c’est le fonctionnement de toutes nos institutions qui est en jeu. Si la nouvelle inspection générale de la justice voulait exercer des missions en juridiction avant que le Conseil d’Etat n’ait statué, FO-Magistrats saisira le juge des référés pour qu’il ordonne la suspension de ses opérations de contrôle.
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