Le billet de l’Helvien

 

Lors d’une réunion à ABUJA (Nigéria) le 29 juin dernier, les dirigeants des 15 états membres de la CEDEAO (communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest) ont projeté la création d’une monnaie unique appelée ECO en remplacement du franc CFA pour huit d’entre eux (Mali, Sénégal, Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Togo, Benin, Guinée Bissau et Niger) dès 2020 !

Une échéance irréaliste selon tous les observateurs. L’objectif d’une monnaie unique a beau être discuté depuis une trentaine d’années, les préparatifs techniques n’ont pas avancé d’un iota. Et les critères de convergence requis pour intégrer la zone, en matière de dette, de déficit public ou d’inflation, ne sont respectés que par une poignée de pays.

 

Un peu d’histoire : Il faut savoir tout d’abord, qu’il y a deux francs CFA différents ayant la même valeur d’origine par rapport au franc :1 franc CFA = 2 centimes de francs français jusqu’au 11 janvier 1994 ou le CFA a été dévalué de moitié passant de 2 à 1 centime de franc français.

Après avoir suspendu dès le 2 août 1993 le change de billets de francs CFA, Édouard Balladur a divisé par deux la valeur du franc CFA (100 francs CFA = 1 franc français). Il en a résulté une baisse immédiate du pouvoir d’achat des citadins africains, habitués à consommer des produits d’importation, mais aussi une très forte relance des productions locales (comme le cacao et le café de Côte d’Ivoire). 

Malheureusement, les dysfonctionnements des régimes africains (corruption, conflits, trafics avec la France et les dirigeants français) n’ont pas tardé à gommer les effets bénéfiques de la dévaluation.

Le premier est le franc de la communauté financière en Afrique (ISO 4217 : XOF et 952)1, émis par la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest pour les huit États membres de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (à savoir : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo).

Le second est le franc de la coopération financière en Afrique centrale (ISO 4217 : XAF et 950) 1, émis par la Banque des États de l’Afrique centrale pour les six États membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (à savoir : le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la République centrafricaine et le Tchad).

Depuis le 25 décembre 1945, date de création du franc CFA par décret signé Charles de Gaulle en tant que Président du gouvernement provisoire de la République Française, la Banque de France est le troisième acteur de ce système monétaire.

Actuellement, le franc CFA est arrimé à l’euro selon une parité fixe (actuellement 1 euro = 656,957 francs CFA) garantie par la France.

En contrepartie, les pays de la « zone franc » ont l’obligation de déposer 50 % de leurs réserves de change au Trésor français sur un compte rémunéré. Tous les ans, la Banque de France reverse les intérêts obligataires de leurs réserves aux pays africains.

C’est aussi en France que sont imprimés les billets de francs CFA (10.000, 5.000, 2.000,1.000 et 500 francs). Ceux-ci sont différents par zone et par pays mais librement acceptés à l’intérieur de chaque zone. Même au marché de Bamako, on peut acheter ses légumes avec un billet CFA du Niger mais on ne le pourra pas le faire avec un billet gabonais.

Le système garantit aux pays africains concernés la possibilité de convertir le franc dans n’importe quelle autre devise ainsi que la stabilité de la monnaie. Comme le franc CFA est indexé sur l’euro, de brusques dévaluations ne sont pas possibles. De plus, le système permet des transferts de capitaux, à l’intérieur de la zone monétaire, libres et gratuits.

Cet arrimage des monnaies africaines a la France a été réalisé dans le but de conforter l’influence de la métropole sur ses « colonies » en favorisant les échanges au détriment du dollar.

Après les indépendances, en 1962, son rôle prépondérant dans les liens avec l’ancienne puissance coloniale a continué de s’affirmer. La convertibilité des francs CFA en francs est restée totale pendant des décennies jusqu’en 1993. Il était donc parfaitement possible d’échanger dans n’importe quelle banque française des billets de francs CFA, sans aucun frais de change, sans aucune restriction et avec la possibilité de ne pas donner son nom lors de l’opération de change des billets !

On imagine aisément, les abus engendrés par ce système de libéralisme total.

En 2018, le PIB total des 14 pays membres des deux zones francs CFA s’élevait à 222 milliards de dollars (USD), une valeur équivalente à 8 % du PIB de la France ; c’est une goutte d’eau sur le plan international.

La création de cette nouvelle monnaie ne concerne que la CEDEAO c’est à dire l’Afrique de l’Ouest. Outre les pays francophones utilisant le CFA, et dont nous avons déjà parlé, se trouve le géant du Nigeria : 200 millions d’habitants, soit la moitié à lui seul de la population totale, producteur de pétrole dont la monnaie, le Naira, est largement sous cotée au marché noir.

Le Ghana va remplacer son Cédi national qui à l’extérieur de ses frontières ne vaut rien car il s’achète 10 fois moins cher que son taux officiel et cela depuis des décennies.

Je me souviens dans les années 80-90, avoir choisi délibérément de passer, plusieurs fois, par ce pays pour aller de Bamako (Mali) à Lomé (Togo) à cause du prix hors concurrence de son essence et de ses palaces en achetant mes Cédis à la frontière !!!

Les États unis et la Chine sont bien sûr très favorables à la création de cette nouvelle monnaie qui va diminuer l’influence économique française dans cette partie de l’Afrique. On ne sait rien, pour le moment de la valeur imaginée pour l’Eco et cette valeur déterminera, d’une manière certaine, l’avenir monétaire de la zone.

Trop forte, elle plombera les exportations donc les budgets des pays africains exportateurs comme le Nigeria et son pétrole, La Côte d’Ivoire et son cacao, le Burkina et son coton.

Trop faible, elle appauvrira les classes moyennes africaines émergentes qui sont avides de consommer les produits finis européens ou autres (voitures, électro-ménager, produits de luxe, voyages etc..).

Par contre, elle rendra l’aide internationale moins onéreuses pour les pays donateurs.

Qui pourrait tirer les marrons du feu ?

Le Maroc, qui va trouver son bonheur dans la création de l’ECO, car cela va favoriser ses démarches commerciales agressives vis à vis des pays de cette sous-région y compris dans le secteur bancaire où dans le Top 5 des banques, 3 sont marocaines.

Par ailleurs, le Maroc postule très fermement à être partie intégrale de cet ensemble.

Les pays africains, vont donc, être encore une fois, les laissés pour compte de leur politique monétaire.

Autant, se débarrasser du franc CFA et de la tutelle de Bercy est légitime, autant, se jeter dans d’autres gueules plus voraces et moins respectueuses du sens de l’histoire est dangereux et irresponsable.

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