Par Franck Buleux

 

Depuis le discours-message de Nicolas Sarkozy en 2007, il apparaît nécessaire, pour être un « bon Français » d’être « Français de sang mêlé ». Cette expression a, en effet, été initiée par le candidat Sarkozy lors de sa campagne présidentielle victorieuse. Depuis, elle a fait florès. La preuve, le garde des Sceaux, Dupont-Moretti, l’a reprise lors de la « passation de pouvoir » avec l’ancienne ministre de la Justice, Nicole Belloubet, le 7 juillet. Il est « antiraciste » puisque « de sang mêlé ». Heureusement qu’il ne se nomme pas seulement Dupont.

 

D’après le « politiquement correct » et les slogans entendus car vociférés ici et là, on s’était mis à penser, donc à tort, que le sang était de la « même couleur » pour tous et, par extension, de même nature. On est rassurés, nos politiques ont compris que le sang n’était pas le même pour tous, puisqu’il peut être « mêlé ». Le mélange indique la présence d’au moins deux ingrédients, dont acte. 

Au-delà de cette terminologie démagogique qui vise à comparer un Européen, dont l’assimilation ou l’intégration, selon les individus et leur choix, n’a jamais posé question et un migrant du XXIe siècle, dont la culture diffère totalement de la nôtre, puisque ce même migrant vise, non à s’intégrer et encore moins à s’assimiler, mais à transposer ce qu’il a appris dans son territoire initial et qu’il prend pour vérité absolue. 

Cela est identique au sommet du pouvoir.

Nadia Hai, d’origine marocaine, élue députée de la 11e circonscription des Yvelines après avoir battu, dès le premier tour, l’ancien candidat socialiste à la présidentielle, Benoît Hamon. Élue En marche ! elle vient d’être nommée ministre déléguée à la Ville et a démissionné juste avant cette nomination, de son mandat de parlementaire. Pourquoi ?

Nadia Hai et son suppléant Moussa. 

Si elle n’avait pas démissionné, comme cela se fait habituellement, son suppléant serait devenu député alors qu’en démissionnant avant d’être nommée ministre, elle va provoquer une élection partielle difficile pour La République en marche (LRM), risquant le retour à l’Assemblée nationale de l’ex-socialiste Hamon, qui dirige le parti situé très à gauche, Génération(s) ou l’élection d’un homme de droite LR. Encore un siège de moins à l’Assemblée nationale pour LRM quoi qu’il en soit dès le 7 juillet. C’est une étrange méthode, certes légale mais étonnante, de ne pas vouloir que son suppléant remplace un titulaire. Ils ont pourtant, en toute logique, fait campagne commune en juin 2017, représentant dans la circonscription de Trappes, le président nouvellement élu Emmanuel Macron.

La réponse est simple, le suppléant de Nadia Hai est Moussa Ouarouss, un Franco-Marocain originaire du Rif, qui n’aurait pas souhaité devenir député français…

D’abord, il n’est pas de Trappes, il est de Reims… Alors, pourquoi s’est-il présenté à Trappes ? Il est dirigeant d’une biscuiterie à Reims. Mais un Rémois a le droit de se présenter à Trappes et d’y être élu. Un député est le représentant des Français dans leur ensemble, le candidat n’est pas limité à sa résidence.

Plus grave et plus sérieusement, notre dirigeant de biscuiterie rémoise, en août 2019, a été mis en examen pour, tenez-vous bien, importation, transport, détention et cession de produits stupéfiants en bande organisée et association de malfaiteurs dans le cadre d’une information judiciaire ouverte par la Juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Lille, confiée aux gendarmes de la section de recherches de Reims. Elle porte sur une enquête de dix-huit mois pour trafic de drogue international. À la suite de sa mise en examen Moussa Ouarouss affirme avoir porté plainte en diffamation. Après sa présentation à la JIRS de Lille, il est remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire français. Il s’agirait d’une grosse affaire de trafic international de stupéfiants en lien avec le Maroc. 

Bon, il faut donc attendre le jugement devant, a priori, un tribunal correctionnel, l’association de malfaiteurs étant un délit. Mais en fonction de l’importance du trafic de drogue, Moussa Ouarouss peut aussi, plus probablement, être convoqué devant une cour d’assises. Tribunal correctionnel ou cour d’assises, l’avenir s’assombrit pour le commerçant rémois. Crime ou délit semble être la seule question qui importe pour son avenir sombre.

On comprend mieux pourquoi l’exécutif n’a pas voulu prendre le risque d’avoir, comme élu de la République au sang mêlé, un élu mêlé surtout à un trafic de stupéfiants. 

Mais laissez le temps judiciaire, forcément long puisqu’il ne s’agit pas de stigmatiser un innocent, suivre son cours et Moussa Ouarouss est présumé innocent, tant qu’il n’a pas fait l’objet de condamnation définitive, c’est-à-dire non susceptible de recours. Moussa Ouarouss a donc le temps de voir venir. Il peut même retourner au Maroc, pays qui ne reconnaît pas la double nationalité donc il ne sera pas extradable.

L’exécutif n’a pas eu cette indulgence et la députée Nadia Hai a préféré démissionner de son mandat avant d’être promue ministre. On peut penser que le Premier ministre, qui veille au grain à l’intégrité des ministres, le lui a expressément demandé, voire même le président de la République. 

C’est ainsi, Moussa Ouarouss est donc politiquement passé à la trappe, lui qui aurait pu et dû devenir député de la ville d’Omar Sy et de Jamel Debbouze, sainte ville donc s’il en est selon les principes de notre modernité multiculturelle. [Reste que l’on peut aussi se demander si l’argent sale de Moussa n’a pas aussi payé la campagne électorale de la LREM à Trappes ; NdR].

Mais tout le monde n’est pas traité comme Moussa Ouarouss.

Le gouvernement de Castex n’hésitant pas à mettre en valeur le « sang mêlé », prenons l’exemple du ministre de l’Intérieur, Gérald Moussa Darmanin. Moussa est effectivement son second prénom, ce qui en fait une personnalité hautement qualifiée en matière de « sang mêlé », surtout qu’il fut un protégé, à l’aube de son parcours politique, de Nicolas Sarkozy, promoteur de l’expression. 

Bref, notre ministre de l’Intérieur est aussi mis en cause dans une affaire (deux à l’origine, mais la seconde, de la même nature que la première, a fait l’objet d’un classement sans suite) : Il est, en effet, accusé de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance par une plaignante de 46 ans qui a saisi un juge d’instruction pour ces motifs dès 2018. Là, nous n’avons pas à nous interroger, les faits relèvent de la cour d’assises, puisqu’un viol est un crime. 

Les faits supposés (prenons nos précautions d’usage même si l’on nous dit qu’il faut respecter, en la matière, la parole des femmes victimes, si difficile à obtenir) auraient eu lieu en 2009, alors que la plaignante avait contacté l’UMP (parti alors au pouvoir dont faisait partie Darmanin) pour tenter de faire annuler une condamnation de 2004 pour chantage et appels malveillants envers un ex-compagnon. Gérald Darmanin la reçoit alors en tant que chargé de mission au service des affaires juridiques de l’UMP. Selon la plaignante, Gérald Moussa Darmanin aurait ensuite conditionné son aide dans ce dossier à l’octroi de faveurs sexuelles. Selon la plaignante, s’en serait suivi un rapport sexuel non consenti dans une chambre d’hôtel après une visite au club libertin Les Chandelles à Paris.

Cette grave accusation a fait l’objet d’un non-lieu en août 2018, non-lieu dont la plaignante a fait appel. L’appel est jugé recevable par la Cour de cassation en novembre 2019, et le 9 juin 2020, la cour d’appel de Paris a ordonné la reprise des investigations sur l’accusation de viol, harcèlement sexuel et abus de confiance. 

Mais cette affaire n’a pas empêché notre Gérald Moussa Darmanin de devenir le « premier flic de France ». Ce qui est « logique » puisqu’il n’est pas coupable de droit puisqu’il n’a pas été condamné.

Certes, mais Moussa non plus et il n’a pas pu devenir député des Yvelines. L’autre Moussa.

 

Le « sang mêlé », cela devient de plus en plus compliqué de s’en mêler.

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