Par Antonin Campana

 

Nous vivons une époque extraordinairement troublée et incertaine. Notre société est travaillée par de puissantes tensions internes qui tendent à la fractionner. Aussi, la guerre civile est-elle une hypothèse que plus personne n’écarte vraiment, même s’il est difficile de désigner avec certitude les groupes qui ouvriront le bal : allochtones contre Autochtones ? Forces étatiques contre allochtones ? Banlieues contre forces étatiques ? Ramassis LGBT, antifa et indigéniste contre résistance identitaire ? Déplorables contre élite CSP++ ? (Catégorie Socio-professionnelle)

Beaucoup semblent penser, c’est tout au moins ce qui ressort de nos discussions, que policiers et gendarmes seront « de notre côté » en cas de guerre civile, a fortiori si celle-ci oppose des allochtones islamisés aux Autochtones. Nous sommes très moyennement d’accord avec cette affirmation. Nous allons tenter d’apporter un point de vue plus nuancé.

Les forces de l’ordre sont soumises à trois types de hiérarchie

Tout d’abord un constat : sans la police et la gendarmerie, les décisions liberticides de nos bons maîtres ne seraient jamais suivies d’effet ! Cela est vrai de notre assignation à domicile (le « confinement »), du couvre-feu, des interdictions de déplacement ou de réunion comme de l’interdiction de nous défendre ou même de nous exprimer librement. Incontestablement, le pouvoir en place se sert des forces de l’ordre pour contraindre la population, et aussi s’en protéger. Invariablement, c’est une simple observation, les forces de l’ordre s’interposent entre le peuple et les maîtres pour défendre les intérêts de ceux-ci au détriment de celui-là, quitte à user de la force brutale, matraques et yeux crevés, pour les faire respecter.

Le constat indéniable de l’instrumentalisation des forces de l’ordre, mises au service des « élites » et non de la nation, en entraîne un autre : on ne chassera pas nos maîtres tant que les forces de l’ordre ne seront pas « retournées », voire neutralisées ! Mais avant d’espérer une telle chose, qui serait vraiment miraculeuse, il est nécessaire de comprendre les ressorts psychologiques qui expliquent la soumission des forces de l’ordre à ceux qui nous gouvernent. En préambule à ce qui suit, pour que les choses soient bien claires, nous rappelons que les policiers ou les gendarmes n’ont pas été sélectionnés pour leur capacité d’obéissance. Ce sont des citoyens comme les autres qui, pris individuellement, sont même des gens souvent mieux que beaucoup d’autres (au niveau de la rectitude morale et du patriotisme notamment). Mais, dans leur fonction, ce sont d’abord des fonctionnaires ou des militaires en uniforme. Donoso Cortès disait en substance que l’uniforme rend esclave. C’est un peu vrai, car tout uniforme implique l’obéissance.

 L’observation du fonctionnement de la police (cela est aussi en partie vrai pour la gendarmerie) montre ainsi que celle-ci obéit à trois types de hiérarchie.

La police est subordonnée aux autorités civiles, autrement dit au pouvoir politique puisque la police dépend du ministère de l’intérieur. Au niveau départemental, la hiérarchie des autorités civiles se manifeste par la présence de directeurs de la sécurité publique, nommés par la pouvoir politique et placés sous l’autorité directe du Préfet et du procureur de la République, eux aussi nommés par le pouvoir politique. La mission de ces directeurs consiste essentiellement à manifester l’autorité du gouvernement auprès des forces de l’ordre.

La police est également subordonnée aux autorités judiciaires. Dans le domaine judiciaire, les policiers agissent sous la direction du Parquet. Les magistrats interviennent également pour contrôler l’action de la police, et éventuellement sanctionner les policiers.

Enfin, la police est subordonnée à sa propre hiérarchie interne, qui s’exprime sous la forme de grades.

Les lecteurs qui connaissent mieux que nous cette institution nous corrigeront ou nous complèteront. Globalement, ce qu’il faut retenir est que chaque policier (et chaque gendarme) est soumis à trois types de hiérarchies : une hiérarchie politique, une hiérarchie judiciaire et une hiérarchie interne. Cela fait beaucoup et nous amène à l’expérience de Milgram.

L’expérience de Milgram

Stanley Milgram est un psychologue américain qui, au début des années 1960, a cherché à évaluer le degré d’obéissance d’individus placés dans une relation de subordination à une autorité légitime.

Des individus, recrutés par petites annonces, étaient informés qu’ils allaient participer à une expérience scientifique sur le processus de mémorisation. Il s’agissait, leur disait-on, de mesurer l’efficacité de la punition sur la mémorisation.

Chaque séquence de l’expérience de Milgram met en scène trois types de personnages :

D’une part l’élève, qui doit retenir des suites de mots et qui reçoit des décharges électriques en cas d’erreur. L’élève est un complice et les décharges sont fictives. On ne voit pas l’élève, car il est masqué par une fine cloison, mais on peut l’entendre.

D’autre part l’enseignant, qui dicte les mots et actionne un levier qui envoie des décharges électriques en cas d’erreur.  En fait, l’enseignant est testé à son insu. Il ne sait pas que c’est son degré d’obéissance à l’autorité qui est mesuré.

L’expérimentateur, lui aussi complice, représente l’autorité légitime. Celui-ci, très professionnel, s’exprime avec assurance et possède tous les attributs de la légitimité (blouse, laboratoire universitaire, protocole…).

La première décharge est de 45 volts. A chaque nouvelle erreur, les décharges augmentent par paliers de 15 volts, jusqu’à atteindre 450 volts. Plus le voltage augmente, plus l’élève-complice se plaint, gémit, hurle de douleur, supplie, lance des cris violents…. Si « l’enseignant » se tourne, visage interrogateur, vers « l’expérimentateur », celui-ci, fermement, lui dit de continuer.

Milgram observe que 65% des sujets sont prêts à administrer à plusieurs reprises des chocs de 450 volts. Aucun des sujets ne s’est arrêté avant d’avoir infligé à « l’élève » une tension d’au-moins 135 volts (à ce niveau « l’élève » a pour consigne de hurler sa douleur. Au palier précédent il devait signifier qu’il souffrait).

L’expérience de Milgram a été maintes fois reproduite avec des résultats similaires (voire plus effrayants puisque dans certains contextes le degré d’obéissance maximum dépasse les 80%).

L’expérience de Milgram montre qu’un individu subordonné à une autorité considérée comme légitime aliène son autonomie et délègue sa responsabilité à cette autorité. Plus clairement, il ne se sent plus responsable de ce qu’il fait lorsqu’il obéit. « L’enseignant » se voit comme un simple outil de « l’expérimentateur ». Il estime qu’il n’aura pas à rendre compte des souffrances que l’autorité légitime lui demande d’infliger. Pour lui, ces souffrances sont imputables à une autorité supérieure. Psychologiquement, il n’est, dit Milgram, qu’un simple « agent exécutif d’une volonté étrangère ».

Milgram a introduit plusieurs variantes dans son expérience. Ainsi, si le détenteur de l’autorité légitime (l’expérimentateur) s’absente du laboratoire, alors seulement 20% des sujets infligent un choc de 450 volts. S’il y a deux détenteurs de l’autorité légitime (deux expérimentateurs) et que ceux-ci donnent des ordres contradictoires (« continuez ! », « ne continuez pas ! »), le taux d’obéissance maximal passe à 0% (personne n’infligera un choc de 450 volts) !  

Autre élément notable : bien qu’ils obéissent, on observe que les sujets manifestent fréquemment de l’anxiété et une certaine tension (ricanements, gêne…). Cela signifie, selon Milgram, que ces sujets désapprouvent au fond d’eux-mêmes les ordres qui leur sont donnés. Ces signes de tension annoncent la désobéissance. 

Revenons maintenant aux « forces de l’ordre ».

Quelles informations tirer de l’expérience de Milgram ?

Répétons une nouvelle fois que les fonctionnaires de police ou les gendarmes sont des gens normaux. Ils n’ont pas été sélectionnés en fonction de leur capacité à être des « agents exécutifs d’une volonté étrangère » ! Ils sont aussi banalement humains que l’étaient les sujets de Milgram… ce qui signifie dans les faits que 65% d’entre eux pourraient, si une autorité légitime le leur demandait, infliger à des gens qu’ils ne connaissent pas une décharge électrique de 450 volts ! En clair cela veut dire que, sur ordre, 65% des policiers et des gendarmes seraient capables de tuer des gens innocents. Inconcevable ?

En 1891, sur ordre de leur chef, les forces de l’ordre (30 soldats) tirent sur une manifestation ouvrière à Fourmies : 10 morts, dont deux enfants, 35 blessés ;  

En 1907, sur ordre, la troupe tire sur la foule à Narbonne : 5 morts, 33 blessés ;

En 1908, le 02 juin, à Vigneux, les gendarmes tirent à bout portant dans une salle où se réunissent des grévistes : 02 morts, dont une gamine de 17 ans, 10 blessés. Le 30 juillet à Draveil, les ouvriers sont chargés au sabre : 4 morts, 200 blessés ;

Et pour montrer que cette aptitude à tuer des gens sur ordre est universelle et n’est en aucun cas le propre des forces de l’ordre françaises, citons la fusillade qui eut lieu à Genève, en Suisse, un pays paisible et pacifique où le 09 novembre 1932, sur ordre, la troupe ouvre le feu sur des manifestants. Résultat : 13 morts, 65 blessés !

Dans ces exemples, différents facteurs entraînent la décision individuelle d’ouvrir le feu (malgré la présence de femmes et d’enfants) : l’obéissance à l’autorité légitime (le chef, le gouvernement…) mais aussi sans doute la peur de la foule, ainsi que le mimétisme comportemental (si toute la troupe ouvre le feu, il est difficile de ne pas tirer soi-même). 

La seconde information que nous livre Milgram est que le taux d’obéissance maximale tombe à zéro lorsque plusieurs autorités légitimes donnent un ordre contradictoire du type : « ouvrez le feu », « n’ouvrez pas le feu ».

Tout cela se vérifie aussi par l’expérience.

Ainsi, durant l’épisode des Gilets Jaunes, les trois hiérarchies qui coiffent les forces de l’ordre (autorité civile, autorité judiciaire, hiérarchie interne) ont parlé d’une seule voix. Cela est compréhensible : ceux qui sont au sommet de ces hiérarchies sont tous issus du même milieu social, un milieu qui s’est cru en danger. Aussi, l’autorité civile a-t-elle donné l’ordre de la répression brutale, l’autorité judiciaire a-t-elle manifesté son adhésion à la répression en infligeant des peines sévères aux Gilets Jaunes et la hiérarchie interne des forces de l’ordre a-t-elle répercuté les ordres sans se poser de question. On connaît le résultat : 2.500 blessés dont 152 blessés à la tête (visages mutilés, fractures de la mâchoire, joues déchirées…), 17 éborgnés, 4 mains arrachées.  

Autre ambiance dans les zones de droit islamique. Les autorités civiles affirment leur volonté de reconquérir les « territoires perdus de la République ». Cependant, les autorités judiciaires (qui ont classé sans suite les violences subies par les Gilets Jaunes), condamnent fermement (« violence par personne dépositaire de l’autorité publique »), tout policier qui met une claque à un délinquant multirécidiviste. Cela ressemble à un désaveu et, du point de vue du policier, fleure mauvais l’ordre contradictoire. La hiérarchie policière interne, quant à elle, navigue à vue en cherchant à satisfaire les autorités civiles tout en ne déplaisant pas aux autorités judiciaires. Ainsi, dans leurs interventions, policiers et gendarmes doivent gérer d’une part une absence d’autorité (celle de leur hiérarchie qui se défilera en cas de problème) et d’autre part des autorités civiles et judiciaires qui se contredisent. Comment, dans ces conditions, reprocher aux forces de l’ordre d’intervenir avec prudence et sans guère de conviction ?

La troisième information que nous donne Milgram est relative à la tension psychologique que manifeste celui qui obéit à une autorité tout en la désapprouvant en son for intérieur. Or nous observons parfaitement cette tension dans le milieu de la police et de la gendarmerie. Chaque année il y a plusieurs dizaines de suicides dans la police, mais aussi dans la gendarmerie. On notera également un nombre important de dépressions et de troubles psychiques. Selon des sources syndicales, plus de 50% des policiers ont eu dans l’année un arrêt de travail pour dépression ou burn out. 

Enfin, la quatrième information que nous livre Milgram concerne le rôle du groupe. Ce rôle est très important puisque le groupe conditionne largement l’action (ou l’inaction) individuelle. Dans une variante de son expérience, Milgram a adjoint au sujet testé deux complices ayant, comme celui-ci, un statut d’enseignant. Il était demandé à ces complices de se rebeller à un stade donné de l’expérience. Après rébellion, seulement 10% des sujets ont accepté d’infliger de nouveaux chocs électriques.  Autrement dit, si une partie significative des forces de l’ordre refuse d’obéir à une autorité, il est probable que l’ensemble des forces de l’ordre n’obéira plus à cette autorité. L’insurrection des policiers de Paris en août 1944 illustre parfaitement cette règle. Un appel du « Comité de libération de la police parisienne » manifestant  la désobéissance d’une partie de la police parisienne au régime de Vichy a fait basculer l’ensemble de la police.

En conclusion….

En cas de guerre civile, l’attitude des forces de l’ordre sera conforme à ce que leur ordonnent les autorités civiles, les autorités judiciaires et les hiérarchies internes. Si ces trois autorités parlent d’une seule voix, alors les forces de l’ordre n’auront aucune retenue et feront le pire, si on le leur demande. Peu importe les opinions personnelles des policiers et gendarmes : si on leur donne l’ordre de réprimer avec brutalité, ils le feront mécaniquement, contre n’importe qui, et comme de simples « agents exécutifs d’une volonté étrangère ».

Cependant, si les autorités chapotant les forces de l’ordre se contredisent, voire s’opposent, alors l’action des forces de l’ordre sera en grande partie neutralisée. Les risques qu’elles répriment durement, par exemple, un mouvement autochtone de libération, seront alors limités. Un Etat parallèle autochtone organisé devrait travailler à créer de la dissension entre les trois types d’autorités. Ce qu’il s’est passé avec les Gilets Jaunes ne devrait plus se reproduire.

Une autre manière de neutraliser les forces de l’ordre consistera à délégitimer les trois types d’autorités, tout en proposant d’autres formes d’autorités légitimes. Ce combat métapolitique demande, encore une fois, une organisation révolutionnaire capable de voir plus loin que les prochaines élections. Les tensions psychologiques dont nous parlons plus haut révèlent un mal-être que policiers et gendarmes retournent contre leur propre personne (suicides, dépressions) alors que ce mal-être devrait être sublimé par la remise en cause des autorités illégitimes qui en sont la cause.

Enfin, une quatrième manière de neutraliser les forces de l’ordre consiste à les infiltrer suffisamment pour que le moment venu une partie significative d’entre elles refuse d’obéir aux autorités illégitimes. Cela n’est pas impossible, mais demande encore une fois une organisation que les Autochtones ne possèdent pas et sont très, très loin, de posséder.

En résumé, puisqu’il n’existe pas de mouvement autochtone organisé, et puisque, en conséquence, il nous sera impossible de neutraliser de quelque manière que ce soit les forces de l’ordre et encore moins de les rallier à nous, il faudra s’attendre à les trouver face à nous. Ceux qui croient (nous parlons bien d’une croyance) que policiers et gendarmes seront forcément avec les Autochtones en cas de guerre civile se font beaucoup d’illusions. Policiers et gendarmes feront sans doute encore davantage de dépressions, ils se suicideront un peu plus, mais, globalement, ils serviront le pouvoir en place comme ils l’ont toujours fait (et rappelons ici, pour ceux qui l’ignorent, que ce pouvoir n’est pas précisément du côté du peuple autochtone de France). Dans une telle éventualité de guerre civile, il sera donc plus sage de prier pour que le pouvoir en place s’effondre de lui-même. A ce moment seulement, les « forces de l’ordre », autonomisées et livrées à leur bon sens, rejoindront le camp autochtone.

Pas avant.

Extrait du film français I… comme Icare – réalisé par Henri Verneuil.

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