Tribune Stéphane Buffetaut (Boulevard Voltaire)
Interrogé par Philipe Corbé, le 3 novembre dernier (RMC/BFM TV) sur les titres de séjour pour les métiers en tension, Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, a justifié l’emploi d’immigrants illégaux pour des raisons économiques, citant en exemple « un bon copain restaurateur à Grenoble ». Le reportage qui accompagnait l’entretien a permis de découvrir un immigré en situation irrégulière, faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, qui travaillait pour ce « bon copain » !
Qu’un membre du gouvernement justifie le viol de la loi est pour le moins singulier. Les Romains, qui étaient des législateurs, avaient un adage : Dura lex, sed lex ! (« La loi est dure, mais c’est la loi »), soulignant par là le caractère intangible, absolu et impersonnel de la loi que tout magistrat de la cité se devait de respecter, faute de ruiner l’édifice légal et institutionnel. Si l’on suit Véran, qui se souciera de respecter les limitations de vitesse, dès lors qu’il sera en retard pour un rendez-vous, ou encore de payer ses impôts parce qu’il risquerait, en raison de leur poids, « de mettre la clé sous la porte », pour employer les termes employés dans le reportage ?
On rappellera que ledit Véran exigeait les rigueurs de la loi contre les malheureux qui avaient mal rempli leur laissez-passer sanitaire ou encore n’hésitait pas à priver d’emploi le personnel médical qui rechignait à se faire vacciner avec un produit à l’efficacité douteuse.
S’il n’y avait pas « quelque chose de pourri » dans la république de France, on aurait dû exiger la démission de M. Véran. Mais il est devenu habituel, dans ce régime malade, d’entendre des irresponsables politiques considérer « la désobéissance civile comme une philosophie d’action » (Yannick Jadot, « C à vous », 7/11/2022). Lorsque l’on considère qu’une loi est mauvaise, on combat pour la changer, mais on la respecte tant qu’elle est en vigueur. Sinon, c’est l’anarchie, la subjectivité quant au respect de la légalité, la fin du fameux « État de droit » qui, décidément, est à géométrie variable, la lutte de tous contre tous.
Quant aux propos de M. Véran, ils manifestent une fois encore l’incapacité de notre classe politique à aborder la question de l’immigration de façon sérieuse. Pour prendre le cas des emplois sous tension dans la restauration, la proposition du porte-parole du gouvernement est non seulement scandaleuse mais encore simpliste. En effet, sont en cause le niveau de rémunération, la reconnaissance sociale des métiers, le rythme d’activité décalé, une logique économique perverse. Finalement, ce personnage suggère d’exploiter une main-d’œuvre illégale et vulnérable. Dans son ouvrage Le Crépuscule de la France d’en haut, Christophe Guilluy note : « Si les partisans de la société ouverte affichent avec constance une volonté désintéressée, cette position morale n’est pas pour autant dénuée d’intérêt. L’immigration permet en effet à ces catégories qui ne sont pas “riches” de maintenir un mode de vie “bourgeois” au cœur des villes les plus onéreuses de France. La faiblesse de la rémunération de l’immigré malien en cuisine permet par exemple au bobo de payer son déjeuner 15 euros plutôt que 30. » (Champs actuel, p. 75).
La réalité est que la démographie est un des grands moteurs de l’histoire de l’humanité et que l’ébranlement des grands mouvements humains ne s’est jamais fait dans la douceur et la tranquillité. L’Europe est un continent vieillissant qui se délecte dans une culture morbide et rejette les fondements de ce qui fit la grandeur de sa civilisation. Sur les 27 États membres de l’Union européenne, seuls 8 d’entre eux ont un solde naturel positif (excédent des naissances sur les décès). Le taux de fécondité européen se situe, en moyenne, à 1,53 enfant par femme. En Afrique, il était de 4,36 enfants par femme en 2020 (Agence française de développement). 60 % des Africains ont moins de 25 ans et 60 % des jeunes Subsahariens sont considérés comme inactifs (Afrique Magazine). De telles données exigeraient des mesures claires et fermes en matière de politique migratoire et de politique de développement. Or, notre classe politique, tétanisée par la crainte de se voir accusée de racisme, liée à certains intérêts économiques de courte vue, n’a aucune action cohérente.
D’autres parties du monde vieillissantes, notamment en Asie, développent des politiques d’hyper-compétitivité. Mais pour Sandrine Rousseau, « on a droit à la paresse » et « la valeur travail, pardon, c’est quand même une valeur de droite ». Or, tous ces idéologues prônent une société « ouverte » à tous les flux humains comme économiques mais sont incapables d’en apprécier les conséquences : l’effondrement de notre civilisation et le basculement dans le chaos.
Bernanos disait : « On ne regarde pas l’avenir comme les vaches regardent passer un train ; l’avenir, on le fait. » Véran et les autres sont pires que les vaches : ils ne regardent rien, ils ne voient rien. Ils sont aveugles.