Chronique de Paysan Savoyard

Comme on le sait Macron a été choisi par l’élite financière et économique du pays, qui l’a sélectionné et a financé et soutenu sa candidature. Une fois au pouvoir Macron a mené la politique pour laquelle il avait été choisi. Il a baissé la fiscalité des ménages du haut de l’échelle. Dans le même temps, il a porté la pression fiscale sur la classe moyenne à un niveau jamais atteint. Enfin il a engagé une entreprise de libéralisation et de privatisation de l’Etat et de l’administration.

Parce qu’il occupe le centre de la vie politique, Macron se présente comme un modéré. Or il est tout au contraire un extrémiste. Un extrémiste de l’immigration comme nous l’avons montré dans d’autres articles. Il est également un ultra dans le domaine de la fiscalité et du fonctionnement de l’Etat, au bénéfice des riches.

  • Une baisse massive de la fiscalité des riches

Macron a multiplié les mesures fiscales favorables aux ménages fortunés. Ces mesures, qui constituaient pour lui l’essentiel de son agenda, ont été engagées dès l’automne 2017. En ayant fait passer ces réformes dès le début de son mandat, E. Macron les a ainsi sécurisées et fait entrer dans les mœurs : alors qu’elles ont été les mesures les plus importantes de son quinquennat, elles ne font plus débat et ont été presque oubliées (voir ici)

Il a tout d’abord remplacé, à compter de 2018, l’ISF par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). La part des patrimoines détenus sous forme mobilière (actions et obligations) échappe désormais à l’imposition. Cette mesure est favorable aux ménages du haut de l’échelle, qui sont ceux qui possèdent un portefeuille boursier et la propriété des entreprises. Le nouvel IFI pèse sur les ménages dont le patrimoine est essentiellement immobilier, c’est-à-dire ceux qui sont aisés sans être riches. La valeur de leur bien a souvent été fortement enchérie par la hausse des prix de l’immobilier, ce qui leur a fait franchir le seuil d’imposition à l’IFI. Le gouvernement Macron a justifié la suppression de l’ISF par la volonté de favoriser les investissements dans les entreprises. Mais le véritable motif de cette réforme est bien la volonté de favoriser les ménages des premiers centiles : pour preuve, les biens meubles, tels que les yachts ou autres chevaux de course, ainsi que les liquidités, ont été exclus de l’assiette de l’IFI, alors qu’ils n’ont évidemment rien à voir avec le financement des entreprises.

Macron a également créé en 2018 un « prélèvement forfaitaire unique » (PFU) sur les revenus de capitaux mobiliers, qui permet aux bénéficiaires d’échapper au barème de l’IR. Le taux de cette « flat tax » (30 %, prélèvement sociaux inclus) étant nettement inférieur aux taux les plus élevés du barème de l’IR (41 et 45 %), cette mesure est très favorable aux détenteurs de capitaux mobiliers, qui sont, encore une fois, les ménages situés en haut de l’échelle des patrimoines et des revenus.

Dans le même registre, Macron a très fortement allégé le dispositif « exit tax », qui depuis 2011 vise à lutter contre l’évasion fiscale des chefs d’entreprise français qui transfèrent leur domicile fiscal à l’étranger. La taxe portait jusque-là sur la plus-value réalisée en cas de vente d’actions de la société de l’intéressé moins de 15 après le changement de son domicile fiscal : en 2019 le gouvernement Macron a ramené ce délai à 2 ans. 

Enfin le gouvernement Macron a baissé le taux de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IS). Ce taux qui était de 33,33 % en 2017 a été abaissé progressivement jusqu’à 25 % en 2022 (et même 15 % pour les  PME). (voir ici) Cette mesure a été présentée comme destinée à améliorer la situation des entreprises françaises dans le contexte de la compétition internationale et du dumping fiscal. Qu’elle ait été ou non opportune, cette mesure a été, là-encore, favorable aux propriétaires et cadres dirigeants des entreprises et aux détenteurs de capitaux.

L’organisme gouvernemental France Stratégie vient de montrer, dans un rapport récent, que ces différentes mesures fiscales n’ont pas entraîné de phénomène de « ruissellement » de la richesse au bénéfice du reste de la société, contrairement à ce qu’avait prétendu le gouvernement au moment où elles ont été prises (voir ici).

Plusieurs indicateurs confirment que la situation des détenteurs de capitaux n’a cessé de s’améliorer au cours du mandat de M. Macron, notamment sous l’effet des mesures qui viennent d’être recensées. Par exemple l’indice CAC 40, qui était à 5200 points en juin 2017 est aujourd’hui aux environs de 6900 points, soit une hausse de 32%.

  • La taxation record des classes moyennes

Alors qu’il venait de diminuer la fiscalité des riches, le gouvernement Macron a voulu imposer une taxation accrue sur les carburants, sous le prétexte de la lutte contre le réchauffement climatique. Ce projet de taxation supplémentaire a déclenché la colère des gilets jaunes, les Français de la France périphérique contraints de se rendre en voiture à leur travail. Le gouvernement a reculé sous la pression du mouvement des gilets jaunes.

La question de la taxation du carburant revient de nouveau sur le devant de la scène à la fin du mandat de Macron. La forte hausse du prix du pétrole provoquée par la reprise économique post covid entraîne une forte hausse du prix des carburants mais également une forte hausse des recettes de l’Etat puisque le prix des carburant en France est constitué à 60 % de taxes (TICPE + TVA).

Pour faire passer la pilule des mesures favorables accordées aux ménages du haut de l’échelle, le gouvernement Macron a supprimé la taxe d’habitation pour la plupart des ménages. Il met en avant cette mesure en expliquant qu’elle est notamment favorable aux classes moyennes.

Il faut souligner fortement ce point : c’est sous Macron que la France est devenue le pays du monde où les prélèvements obligatoires (impôts, taxes et cotisations) sont les plus lourds du monde. Il y a des différences dans les chiffres donnés par les différents organismes statistiques. Selon l’INSEE organisme gouvernemental, le taux de PO est actuellement de 44 %. Selon l’OCDE il est de 47 % du PIB, tandis que L’Allemagne n’est qu’à 40 %. Au-delà du niveau précis du taux atteint, il est certain en tout cas que la France est dans le haut de la liste des pays imposés et qu’elle est nettement au-dessus de nombreux pays européens (Allemagne, Belgique Pays-Bas, Suisse…).

Non seulement ce taux de prélèvement est énorme, mais il est réparti de façon très inégale et pèse pour une grande part sur la classe moyenne. Les ménages du haut de l’échelle bénéficient d’un certain nombre de dispositifs permettant d’alléger leur imposition (optimisation fiscale, prélèvement forfaitaire sur les revenus du capital…). Les ménages du bas de l’échelle supportent un taux de prélèvement faible et reçoivent un pourcentage élevé des prestations sociales.

Le gouvernement Macron a également adopté une réforme dont on parle peu mais dont les effets sont et seront considérables : le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu. Le prélèvement à la source conduit en effet à rendre l’impôt sur le revenu quasi indolore. Lorsqu’il était acquitté par le biais d’un chèque ou d’un prélèvement effectué sur le compte bancaire, l’IR était ressenti de façon particulièrement douloureuse par les contribuables concernés. « Grâce » au prélèvement à la source, les contribuables vont avoir tendance à ne prendre en compte désormais que leurs revenus nets perçus après impôt, en oubliant désormais l’IR : l’IR tend à devenir indolore. Il va être désormais devenir presque invisible et indolore au même titre que la TVA, dissimulée dans les prix, ou les cotisations sociales, prélevées elles aussi à la source. Or l’IR pèse lourdement sur la classe moyenne en particulier. Les Français des milieux populaires ne le paient pas (seuls 43 % des ménages sont imposables à l’IR ; voir ici). Les ménages riches échappent souvent à l’IR, grâce en particulier, encore une fois, au prélèvement forfaitaire sur les revenus de capitaux (voir plus haut). En le rendant quasi indolore, l’Etat pourra impunément continuer à faire peser cet impôt lourdement sur les classes moyennes, voire à l’augmenter à petites doses.

  • E. Macron a entrepris de déconstruire l’État et de le privatiser

Macron a entrepris de transformer profondément le fonctionnement de l’Etat, en poursuivant une logique qui conduit à le déconstruire progressivement et à le privatiser.

Dans l’administration d’Etat il a fait massivement appel à des contractuels pour occuper des fonctions qui étaient jusque-là par des fonctionnaires.

  1. Macron vient de procéder à une réforme substantielle de la fonction publique en supprimant l’ENA au profit d’une nouvelle école dont les effectifs seront beaucoup plus élevés. On peut penser que cette réforme a deux objectifs. Le gouvernement pourra ainsi piocher dans un vivier beaucoup plus large pour pourvoir les postes d’encadrement supérieur de l’administration. Dans ces conditions le risque de nomination par copinage est fortement accru. D’autre part la suppression de l’ENA et la possibilité pour le gouvernement de recruter beaucoup plus librement devrait permettre de nommer un certain nombre de hauts cadres issus de la « diversité ».

Pour pouvoir procéder aux nominations sans être tenu par les règles qui président actuellement au fonctionnement de la haute fonction publique, le gouvernement Macron a également supprimé certains corps de hauts fonctionnaires, comme celui des diplomates et des préfets.

Le gouvernement Macron justifie ces réformes par la volonté de lutter contre les corporatismes et l’endogamie de la haute fonction publique. La réalité est que Macron veut démanteler des structures traditionnelles de l’administration, qui ont construit l’Etat et le pays lui-même depuis des siècles. Il s’agit finalement de banaliser et de privatiser le fonctionnement de l’administration.

De même les représentants des lobbys sont fortement présents dans les parages de l’administration et des cabinets ministériels macroniens.

Le gouvernement Macron a également fait appel massivement à des cabinets privés de consultants, là encore pour rendre des rapports ou réaliser des audits que l’administration réalisait jusque-là elle-même. Ces méthodes conduisent à gommer les frontières entre public et privé. Avec le recours massif au cabinet McKinsey on peut considérer que tous les ingrédients du scandale d’Etat sont réunis. Ce cabinet, premièrement, a contribué gratuitement à la campagne de Macron en 2017, ce qui était illégal. Deuxièmement McKinsey a été bénéficiaire pendant 5 ans de nombreux contrats de prestations passés avec l’Etat. Ces marchés obtenus ont toutes les apparences d’un renvoi d’ascenseur, relevant du registre de la corruption. Troisièmement un rapport du Sénat a considéré qu’une partie au moins des prestations de ce cabinet étaient vides de contenu réel et avaient été grossièrement surfacturées. Quatrièmement il semble que de nombreux membres de l’entourage macronien appartiennent également, ou ont appartenu, au cabinet McKinsey : on se trouve donc en présence d’une situation de favoritisme et de collusion. Cinquièmement il semble que le cabinet en question se soit arrangé pour ne pas payer d’impôts en France. Enfin, le cabinet McKinsey s’est vu confier la conception et la conduite de politiques publiques dans différents domaines, alors même qu’il s’agit d’un cabinet américain.  Compte-tenu de tous ces éléments, cette affaire apparaît mille fois plus grave que l’affaire Fillon. Si la justice n’était pas aux ordres du gouvernement, elle aurait dû en toute logique être saisie. En 2017 le parquet national financier avait mis quelques minutes pour se saisir du dossier Fillon, et ruiner sa candidature, alors que ce qui était reproché à l’ancien premier ministre (le caractère fictif de l’emploi de sa femme) portait sur des sommes sans rapport avec l’affaire McKinsey.

***

On sait que les résultats macro-économiques du gouvernement Macron sont mauvais (voir cette chronique). Les résultats sont moins bons que ceux de la plupart de ses voisins dans la plupart des domaines clés : chômage, commerce extérieur, déficit et dette publics, niveau des prélèvements obligatoires, niveau de vie par habitant.

Il faut voir cependant que les résultats mauvais pour la France et pour la plupart des Français ne sont pas une mauvaise nouvelle pour la classe supérieure et pour les détenteurs de capitaux. C’est même le plus souvent exactement l’inverse. Donnons un exemple : la dette publique est une mauvaise affaire pour le contribuable, qui doit financer les intérêts, mais une excellente chose pour les banques, qui prêtent à l’Etat. Les délocalisations, source de chômage, sont une mauvaise chose pour les personnes touchées, mais une excellente affaire pour les entreprises qui tirent profit des délocalisations dans les pays à bas coût. Nous reviendrons plus tard sur ce point essentiel : les intérêts de la France et de la majorité des Français ne sont pas les mêmes que ceux de la classe dirigeante. Ils sont même le plus souvent antagonistes.

Terminons d’un mot. Les mauvais résultats économiques de la France avec Macron ne signifient donc pas que celui-ci soit incompétent. Cela veut tout simplement dire que la politique de Macron se fait au profit de la couche supérieure de la société, conformément à ce que souhaitaient ceux qui l’ont sélectionné et porté au pouvoir.   

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