Louise Violet, enfin un film parlant de la France profonde et de la vraie vie. Ici celle d’une institutrice rescapée de la Commune de Paris, ancienne bagnarde, envoyée par la République dans un village auvergnat pour enseigner à des enfants que leurs parents préfèrent maintenir dans la continuité paysanne. Le maire, un fermier rustre dissimulant ses qualités, son bon sens et sa sensibilité derrière une personnalité bourrue, accueille l’arrivante dans sa maison dont la grange est dédiée à l’école et au logement de l’institutrice. Il lui annonce que sa fonction se cumule avec celles de secrétaire de mairie, fossoyeur et bedeau, en précisant que c’est la loi. La venue effective des enfants à l’école n’est pas la moindre des embûches que la République n’a pas pu manquer de prévoir pour cette femme seule, étrangère au village, amenant un tel changement dans le quotidien et les mentalités.

Les uns et les autres se découvrent en prenant leur temps, parfois brusquement, au fil des événements induits par la nouveauté scolaire que l’institutrice parvient à introduire dans les cœurs et dans les faits, bouleversant les habitudes. Faisant la tournée des fermes avec le maire, elle affronte les contradictions entre les bonnes volontés et les besoins de main d’œuvre. Les démonstrations de ses qualités de femme et d’institutrice sont contrariées par des révélations indiscrètes sur son passé qu’elle ne souhaite pas faire connaître. Pour les gens de la campagne sans autre référence que le bon sens ancestral, quiconque a été en prison a donc fait quelque chose de mal. Elle doit justifier de son combat lors de la Commune de Paris presque vingt ans plus tôt, au cours de laquelle son mari et ses enfants sont morts devant elle. Elle doit composer avec les relations d’autorité sans murmure entre les parents et les enfants, aussi avec les faiblesses des uns et des autres…

Servi par des acteurs formidables tels que Alexandra Lamy, Grégory Gadebois, Annie Mercier et tous les autres, tourné dans des paysages magnifiques et des constructions d’un réalisme visuel et sonore d’une rare perfection, ce film transporte vraiment le spectateur dans cette époque lointaine de nos arrière-grands-parents ou plus loin encore selon l’âge de chacun. On ne peut que les aimer davantage de nous avoir transmis la vie, leur souvenir et leur héritage. Les costumes et accessoires sont également très réalistes, les dialogues étudiés et bien de l’époque, seuls peut-être les « celles et ceux » sont hors du temps, comme souvent des expressions mal choisies lorsque le cinéma explore le passé et son langage.

Ce film est vraiment une belle histoire, représentative des difficultés à ce que les enfants soient scolarisés dans un univers où la nécessité légale et prometteuse s’oppose aux besoins immédiats et traditionnels d’un monde paysan éloigné des théories établies dans les villes. Bien loin de ceux qui décrètent à leur place ce qui est bon pour les autres sans se préoccuper de toutes les conséquences. Nos paysans d’aujourd’hui, bacheliers obligatoires mais empêchés de travailler selon les connaissances ancestrales le savent bien, tout comme ils n’ignorent pas les calculs politiciens cachés derrière des normes toujours présentées comme étant des progrès, des protections ou des avantages.

Ce film peut se voir en famille, exempt qu’il est de scènes pseudo-érotiques, on était bien loin des outrances d’aujourd’hui en ce temps-là. Il est aussi un très bon sujet de discussion avec les enfants, de réflexion personnelle, et en tout cas un excellent moment à passer avec nos ancêtres laborieux et méritants. Un film à voir sans hésiter.

DANIEL POLLETT

 

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