Une conférence de « Airdoc »

 

 

Nous sommes en présence d’un pays à l’histoire récente complexe et tragique, aux peuples et aux cultures souvent antagonistes, ou l’unité et la paix restent fragiles. Pays méditerranéen par excellence, le Liban correspond en gros à nos Alpes Maritimes avec ses 200 kms de long sur 80 de large. La cote est très urbanisée avec au Nord de Beyrouth les villes de Jounié, Byblos, Tripoli, au Sud Saida et Tyr. La montagne du Liban longe la côte et monte à 3000 m, c’est une montagne karstique, château d’eau à l’origine du Jourdain, du Litani, de l’Oronte.  Au Sud, c’est la montagne du Chouf d’allure cévenole, qui prolonge les monts du Liban. Plus à l’intérieur, la plaine de la Bekaa est entre le Mont Liban et les crêtes de l’Anti Liban, frontalières avec la Syrie. C’est un haut plateau fertile chargé d’histoire avec la ville de Baalbek, aux temples romains cyclopéens.

 

Rappel Historique succinct : la France souvent présente au Liban

De par son histoire et son peuplement original fait de chrétiens et de musulmans au sein du Proche Orient, le Liban nous donne à réfléchir sur ce qui peut advenir en France dans un futur plus ou moins proche.

En effet, ce pays a une histoire antique très riche puis qu’elle remonte aux fameux Phéniciens, peuple de la mer et du commerce qui dès le deuxième millénaire av JC apportent leur savoir-faire ainsi que leur culture dans toute l’Europe du Sud par le biais du commerce. Il est remarquable que l’alphabet phénicien soit à l’origine de l’alphabet Grec, Romain, Hébreux, Cyrillique, et donc du notre actuellement. Par la suite, les Egyptiens, Les Grecs, Les Romains établissent de grandes cités dont les vestiges actuels grandioses de Byblos, Tyr, Baalbek témoignent. A l’époque romaine le christianisme s’y développe rapidement et se renforce sous la domination Byzantine. L’arrivée des Arabes au 7 -ème siècle va être la source de luttes incessantes et de persécutions vis-à-vis de ces chrétiens. (Omeyades, puis Abbassides, puis Turcs Seljoukides). De 1098 à 1291, les croisés contrôlent le pays créant le royaume de Jérusalem et établissent de nombreuses forteresses, le long de la côte en particulier. Chrétiens et maronites collaborent avec les croisés et se renforcent de 1098 à 1291.

Ce sont ensuite les mamelouks, puis surtout les Ottomans, qui de 1516 à 1918 vont contrôler le pays lors d’une période confuse sur le plan historique mais la France continuera à être présente dans ses comptoirs commerciaux. Elle interviendra militairement sous Napoléon III en 1860 pour défendre les chrétiens maronites des attaques Druzes.

Le mandat Français sur la grande Syrie de 1920 à 1943 dirigé sur place par le Général Gouraud va entrainer la création de la République Libanaise dotée d’une constitution d’inspiration française avec ses frontières actuelles. Après une période houleuse, c’est le général Catroux, envoyé de De Gaulle qui officialise la fin du mandat français. Une répartition confessionnelle entre chrétiens, et musulmans est instituée.

Jusqu’en 1970, le pays connait un essor économique, devenant un peu la « Suisse du Proche Orient et le carrefour des civilisations ». Toutefois, cela cache mal les tensions qui augmentent du fait de l’arrivée de plus en plus massive de réfugiés palestiniens à la suite des conflits arabo- Israéliens de 1948, 1967, 1973, qui créent un Etat dans l’Etat et qui reçoivent l’appui des musulmans vivant sur place. Yasser Arafat et son OLP veulent faire du Liban la nouvelle Palestine alors que le pays s’est montré bienveillant envers eux en leur accordant des facilités et acceptant une présence armée allant à l’encontre de sa souveraineté. Et ce contrairement à la Syrie, la Jordanie, l’Egypte ou ils étaient parqués et muselés.

En 1975, la guerre civile éclate à la suite de divers assassinats intercommunautaires. Elle oppose les milices chrétiennes de Pierre Gemayel et une coalition de musulmans, nationalistes arabes de Kamal Joumblat alliés aux Palestiniens. Ces derniers se sont dotés d’une armée conventionnelle qui frappe à tout moment les villes du Nord d’Israël à partir de bases du Sud Liban tout en ayant investi par ailleurs les hôtels de luxe de Beyrouth centre. Les Syriens entrent dans le conflit en aidant les milices chrétiennes dans Beyrouth. Les Israéliens effectuent des raids dans le Sud Liban en représailles puis interviennent, en juin 1982, massivement et occupent le pays jusque dans Beyrouth, bombardant les réduits palestiniens tandis que les milices chrétiennes ont les mains libres pour faire « le ménage » dans les camps palestiniens en particulier à Sabrah et Chatillah, 25.000 morts dont 6.000 à Beyrouth. L’Olp et Arafat doivent fuir sous protection internationale en Tunisie. Le retrait Israélien interviendra en 1985. Après leur départ, la guerre civile se perpétue et devient communautaire : chaque communauté a son armée et contrôle sa région dans un pays qui, de mixte, devient en fonction des régions et des déplacements de population homogène et uni, communautaire localement. Ce sont les Druzes contre les chrétiens, dans le Chouf, les Chiites contre les chrétiens à Beyrouth. L’économie s’effondre, la Syrie est omniprésente, elle chasse le président Aoun qui doit s’enfuir en France car rejeté par les musulmans. Fin de la guerre en 1990.

La reconstruction démarre sous la présidence de Rafik Harriri, musulman sunnite soutenu par l’Arabie, ami de Chirac, ce qui lui permet d’obtenir une aide financière massive. Edf, Bouygues, Clemecy, Siemens, ainsi que de nombreuses entreprises étrangères sont présentes. Apparait le Hezbollah qui remplace l’OLP en particulier dans le Sud Liban à la suite du retrait Israélien. Nombreux sont les accrochages dans la zone frontière entre le Hezbollah et Israël pour la bataille de l’eau des sources du Jourdain. En 2006, Israël intervient à la suite d’une attaque du Hezbollah à la frontière et détruit les ponts et les usines, les routes, l’aéroport de Beyrouth. Lourd bilan avec 1183 morts au Liban, énormes dégâts économiques.

En 2005 Rafik Hariri est assassiné. La Syrie se retire et reconnait enfin l’existence du Liban. Retour du général Aoun. Par la suite, la situation politique est chaotique, il y a de fréquents accrochages à la frontière sud entre le Hezbollah et l’armée Israélienne.

Lorsque surviennent les « printemps arabes » la situation est toujours confuse mais les oppositions entre Chiites du Hezbollah soutenus par l’Iran et la Syrie et les Sunnites soutenus par l’Arabie prennent de l’ampleur. La guerre en Syrie déteint sur le Liban, en particulier dans la Bekaa ou de nombreux réfugiés s’installent et à Beyrouth où des attentats surviennent contre le Hezbollah qui défend le régime de Assad… les Sunnites sont accusés. De même dans la Bekaa ont lieu des affrontements sanglants. Plus d’un million de réfugiés s’installent, déséquilibrant l’économie et la démographie.

Etat actuel du pays, les leçons qu’on peut en tirer

La reconstruction du pays est remarquable, Beyrouth renait et les ruines de la guerre sont encore présentes mais discrètes et en voie de disparition. Le centre-ville est modernisé. La voirie est en bon état, seule la distribution électrique est anarchique et des coupures sont fréquentes. En centre-ville, le souk a été transformé en une galerie couverte aux enseignes luxueuses. Les colonnes romaines voisinent avec la cathédrale Saint Georges et la grande mosquée El Omari, restaurée grâce aux capitaux koweitiens. La place des Martyrs ne comporte qu’une statue de bronze trouée par les balles et un ancien cinéma aux allures de blockhaus.

La route côtière ainsi que la grande voie Beyrouth-Damas sont en bon état, les ponts détruits par les Israéliens ont tous été reconstruits.

L’aéroport souvent bombardé est entièrement reconstruit.

Les camps palestiniens sont de vrais Ghettos ceinturés de hauts murs, ils sont surpeuplés et les contrôles à l’entrée permanents. Sur les routes, de nombreux check-points gardés par des hommes en armes contrôlent les passages de véhicules.

L’économie est en crise. Le PIB par habitant est de 19000 $ par contre, le revenu de base n’est que de 500 $. Le pays n’a pas retrouvé sa puissance bancaire et les capitaux des pays du Golfe se sont recentrés sur le Qatar ou Dubaï. Le taux de chômage est très élevé en raison de l’afflux de réfugiés Syriens. La dette du pays est très élevée : 130% du PIB.

Le pays est extrêmement communautarisé puisque l’appartenance religieuse est indiquée sur la pièce d’identité.

Il y a actuellement, pour une population d’environ 5 millions d’habitants : 30% de chrétiens, 30% de Chiites, 30% de sunnites, les 10% restants étant des Druzes, des Kurdes.

Actuellement, il n’y a pas de gouvernement ; le président Michel Aoun est un chrétien, le premier ministre Hariri, Sunnite, a démissionné à la suite de sa visite en Arabie saoudite où il fut quasiment retenu prisonnier.

Les villes, Les quartiers, les villages reflètent leur appartenance communautaire religieuse à travers les édifices religieux, les églises sont nombreuses et bien vivantes. Au-dessus de Jounié par exemple, le site emblématique de Notre dame du Liban a vu s’élever une cathédrale ultramoderne à côté de la basilique ancienne. Même dans la Bekaa, les chrétiens sont bien présents surtout à travers leurs écoles qui ont une très bonne réputation et qui attirent les musulmans car la réussite scolaire est au bout. Il y a même des cas de conversions.

Toutefois, en raison de la guerre, chaque communauté évite de provoquer l’autre et de l’agresser car dans ce cas il y a de gros risques de représailles et il y a des cas de disparitions et de liquidations nocturnes vengeresses. La paix est au prix du respect mutuel.

Les diverses rencontres : la conseillère de l’Assemblée des Français de L’Etranger, Conseillère Consulaire au Liban et en Syrie, Msg Evêque de Byblos, le Père Nasrallah qui vit dans le nord de la Bekaa à 4 km de la frontière Syrienne, devenu prêtre catholique après sa conversion au christianisme. Né dans le Chiisme. Fouad Abou Nader, neveu de Béchir Gemayel, président libanais assassiné en 1982. Il défend les chrétiens d’Orient il assure leur sécurité en particulier aux frontières.

Les conseils qu’ils peuvent donner pour nous Français :

-C’est de défendre bec et ongle notre laïcité de manière intransigeante.

-Ne jamais prendre des mesures qui institutionnaliseraient l’Islam. Dans le cas contraire, ce sont, de reculades en abandons, une défaite identitaire assurée.

-Rompre toute représentation diplomatique en Syrie a été une erreur monumentale

-Il y a eu beaucoup de désinformation en particulier en ce qui concerne les attaques aux gaz toxiques d’Assad dont l’origine est très douteuse voire provocatrice dans le but de susciter des représailles internationales, encore un piège dans lequel Macron semble être tombé !

-On assiste actuellement au Levant à un affrontement acharné entre les Chiites derrière Les Alaouites d’Assad, l’Iran, la Russie et les Sunnites soutenus par l’Arabie Saoudite et les Etats- Unis, la France. Dans un délai plus ou moins long, cet affrontement finira par la remise en cause des régimes et des découpages de frontières.

-Concernant les réfugiés venant de Syrie et qui sont dans les camps dans la Bekaa, le Liban refuse d’écouter qui voudrait institutionnaliser et implanter durablement les réfugiés car ils ont devant les yeux les nombreux camps Palestiniens qui persistent et le souvenir des actions de l’OLP à l’origine de la guerre civile et de la guerre contre Israël. En plus les libanais chrétiens redoutent un nouveau déséquilibre démographique en leur défaveur. Ce problème de la démographie est d’ailleurs très présent car les chrétiens francophiles éduqués ont une démographie stagnante alors que les communautés musulmanes sont très prolifiques ce qui est inquiétant à long terme.

Conclusion

Pays ayant une forte culture française et catholique, le Liban a connu une guerre civile et fut un champ de bataille après l’invasion Syrienne et Israélienne. La paix est revenue, reste fragile. La proximité des conflits régionaux dans lesquels interviennent également les grandes puissances ne manque pas de déteindre sur ce pays qui n’espère son salut que dans une redistribution des cartes dans ce Proche Orient si complexe. La pérennité de la communauté chrétienne francophile, même si elle représente la classe intellectuelle dirigeante actuelle, craint la remise en cause de son existence dans le long terme ne serait-ce que par la démographie déséquilibrée galopante des communautés musulmanes. L’angoisse qui s’exprime à ce sujet chez les représentants de cette communauté est réelle.

Faites connaitre notre site, partagez !