algérie audin

 

Le billet d’Eric de Verdelhan

 

« Je n’aurais pas d’horreur de la trahison si elle était faite pour me rendre maître du monde. »
Fénelon : « Le jeune Pompée et Ménas » (1712)

 

 

Monsieur le Président,

La citation en entête de cette lettre pourrait être de vous tant on vous sait capable de toutes les bassesses, de toutes les intrigues et de tous les mensonges pour arriver à vos fins.

Au début de l’année 2017, alors que vous étiez candidat à la Présidence de la République, vous avez qualifié l’œuvre française en Algérie de « crime contre l’humanité ». Puis, devant le tollé des associations de « Pieds noirs » et d’anciens combattants, de « crime contre l’humain », ce qui revient au même. Cette tirade de « lèche-babouches » n’avait qu’un but : tel François Hollande cinq ans plus tôt, vous veniez acheter le vote des Musulmans franco-algériens.

Indigné, je vous adressais une longue lettre pour vous résumer tout ce que la France a bâti avec courage, avec désintéressement et souvent au prix du sang en 132 années de présence en Algérie. A l’époque, Je pensais, naïvement j’en conviens, qu’un énarque postulant à la magistrature suprême était capable de comprendre qu’on n’a pas le droit de dénigrer ouvertement son pays, de salir sa mémoire et d’insulter ses morts. La notion de « Patrie » est un bien sacré. Je croyais que même un européiste convaincu (qui n’aime ni notre vieille nation, ni les Gaulois qui la peuplent) était instruit de ces choses-là.

Et voilà que vous en rajoutez en condamnant le rôle (supposé) de l’armée française dans la mort de Maurice Audin.  En agissant ainsi, vous creusez, un peu plus chaque jour, le fossé entre les Français de souche et l’immigration originaire du Maghreb. On ne gouverne pas un pays en réveillant de vieilles blessures, ni en jetant du sel sur une plaie encore à vif.

Et vous faites, une nouvelle fois, la démonstration de votre inculture en matière d’histoire contemporaine car, en fait,  qui était ce Maurice Audin ?

Un jeune assistant-prof de maths à la fac d’Alger, membre du Parti Communiste Algérien et pro-FLN, un « porteur de valises », donc un traître à sa Patrie.

Pendant la « bataille d’Alger », il a été arrêté par les parachutistes du général Massu puis remis pour interrogatoire aux hommes du commandant Aussarreses : le faire parler, pour qu’il livre ses complicités, ses caches d’armes et d’explosifs, et qu’il dénonce les attentats en préparation me semble un comportement assez logique, normal dans le contexte de la « bataille d’Alger ».

Rappelons, juste pour mémoire, aux ignares de cette période tragique, qu’Alger – deuxième ville de France à l’époque – a subi… 112 attentats du FLN en un mois, en janvier 1957.

Ensuite, Maurice Audin disparaît et son corps ne sera jamais retrouvé: évasion, exécution sommaire, bavure… toutes les supputations ont été évoquées par la presse de l’époque (avec une nette préférence pour celles qui pouvaient salir les parachutistes1.

Or, on sait comment est mort le Communiste Fernand Yveton: guillotiné2. On croit savoir comment l’aspirant Maillot, qui a déserté avec un camion d’armes au profit du FLN, a fini sa vie de traître3. On sait aussi qu’Hervé Bourges, dit « Mohamed Bourges », est mort dans son lit, avec les honneurs, comme ancien patron de l’audiovisuel public. On sait également que d’autres « porteurs de valises » ont été ministres de François Mitterrand.

Mais comment est mort Maurice Audin ? On ne le saura sans doute jamais. Les Fellaghas n’aimaient pas les traîtres : un certain nombre d’ «idiots utiles» du FLN en ont fait les frais. Et puis, après tout, n’est-ce pas le sort normal d’un traître que de mourir en traître ?

Monsieur le Président, puisque vous condamnez la torture, laissez-moi vous parler des massacres d’Aïn-Abid et d’El-Halia, le 20 août 1955, qui restent dans les mémoires comme les « Oradour-sur-Glane » d’Algérie. La formule n’est pas exagérée. Elle recouvre des scènes dont l’horreur fait frémir et dont les photos ne sont pas publiables.

Qu’il vous suffise de savoir qu’à Aïn-Abid, une petite fille de… cinq jours, Bernadette Mello, a été tronçonnée, devant sa mère, dont on a ensuite ouvert le ventre pour y replacer le bébé.

Que sous le même toit, Faustin Mello, le père, a été massacré dans son lit, amputé à la hache, des bras et des jambes, avant qu’on lui ouvre le ventre. Que la tuerie n’a épargné ni Marie-José Mello, une fillette de onze ans, ni sa grand-mère de soixante-seize ans, violées toutes les deux.

Qu’à El-Halia, 32 Européens ont été abattus à coups de hache, de serpe, de gourdin, de couteau. Les femmes violées, les tout petits enfants fracassés contre les murs : « Pas de pitié, pas de quartier », avait dit Zighout Youssef, le chef de la bande d’assassins du FLN.

A El-Halia, six familles à peine survivront au massacre.

Dans le village, quand la foule déferlera, excitée par les « you-you » hystériques des femmes et les cris des meneurs appelant au Djihad, certains ouvriers musulmans regarderont d’abord sans mot dire et sans faire un geste. Puis les cris, l’odeur du sang, de la poudre, les plaintes, les appels des insurgés finiront par les pousser au crime à leur tour. Alors, la tuerie se généralise. On fait sauter les portes avec des pains de cheddite volés à la mine locale. Les tueurs pénètrent dans chaque maison, cherchent leur proie parmi leurs anciens camarades de travail, dévalisent et saccagent, traînent les Français au milieu de la rue et les massacrent dans une ambiance d’effroyable kermesse.

Outre les 32 morts, il y aura 13 laissés pour morts et deux hommes qu’on ne retrouvera jamais. Quand les premiers secours arrivent, El-Halia est une immense flaque de sang.

Aïn-Abid, dans le département de Constantine, est attaqué en même temps. Les émeutiers s’infiltrent par différents points du village, prenant d’assaut, simultanément, la gendarmerie, la poste, la coopérative de blé, l’immeuble des travaux publics et les maisons des Européens. Comme à El-Halia, c’est la tuerie, le pillage, la dévastation. Les Français sont livrés aux couteaux.

 À Aïn-Abid, les civils, mieux armés, se défendent jusqu’à l’arrivée des renforts militaires, vers 16 heures. C’est à cette heure-là qu’on découvrira le massacre de la famille Mello.

Si vous avez un cœur, Monsieur le Président, vous pouvez toujours aller faire repentance auprès des survivants de la famille Mello… s’il en reste !

Des histoires atroces comme celle-là, j’en ai quelques dizaines à votre disposition car j’ai beaucoup écrit sur l’Algérie4. C’est un sujet sensible que je connais au moins aussi bien, sinon mieux, que les Benjamin Stora et autres « Pieds roses », historiens autoproclamés de cette période.

Vous semblez totalement méconnaître l’histoire de notre Algérie française. Je pourrais vous raconter aussi les massacres de Mélouza, ceux d’Oran le 5 juillet 1962, les 3.000 Européens portés disparus lors de l’indépendance de l’Algérie, les 120 à 150.000 Harkis et leurs familles massacrés par le FLN avec la complicité de l’État français…

Donc, si vous tenez vraiment à faire œuvre de repentance, Monsieur le Président, faîtes-le à bon escient ! Et pendant vos vacances à Brégançon, lisez donc « L’épopée coloniale de la France » d’Arthur Conte, c’est un bon ouvrage de vulgarisation5. Il vous évitera de dire n’importe quoi sur le sujet (et, accessoirement, de prendre la Guyane pour une île). Vous ne manquez jamais une occasion de rappeler que votre génération ne porte pas le poids de « l’héritage colonial de la France ». C’est parfaitement exact : vous ne savez RIEN de cette époque et vous ne la comprenez pas, alors, de grâce, Monsieur le Président,

TAISEZ-VOUS !!!!

Et puis, dois-je aussi vous rappeler que le pays dont vous êtes le premier magistrat est un « état de droit », et qu’en droit français « le doute profite à l’accusé ».  Or personne – ni vous, ni vos affidés – n’est en mesure de dire, encore moins de prouver, comment est mort Maurice Audin.

Ma lettre de févier 2017, se terminait ainsi :

« La France a TOUT donné à l’Algérie. Ce pays a connu un essor considérable, rendant riche et fertile une terre inculte. Des historiens engagés et quelques « officiels » algériens tentent de nous faire croire que le peuple algérien a subi, pendant 132 ans, un colonialisme tortionnaire et brutal.

Et les imbéciles les écoutent !  Ainsi s’écrit l’histoire !

Voilà, Monsieur Macron, ce que je voulais vous dire. Je ne suis même pas « pieds noirs » ; j’avais à peine 12 ans au moment des funestes Accords d’Evian, mais j’en ai assez que n’importe quel politicard en mal de reconnaissance insulte l’œuvre française en Algérie… »

Je n’ai rien à rajouter sinon que vous n’êtes plus « n’importe quel politicard », vous êtes le Président de la République française. Je n’ai pas voté pour vous, mais vous avez été élu (certes mal élu : par défaut) pour restaurer la situation économique et l’image de la France dans le monde, pas pour dénigrer les Français, ni pour lécher les babouches de nos anciens ennemis du FLN.

Ne voyez pas, dans cette lettre, l’amertume d’un nostalgique de l’Algérie française : une belle page de notre histoire est – hélas ! – tournée. La nostalgie ne sert plus à rien, et puis, comme disait Michel Audiard : « Je n’aime pas penser à reculons. Je laisse ça aux lopes et aux écrevisses. »

Ma lettre ne comporte pas d’insultes ou d’injures car je respecte profondément la « fonction présidentielle ». En revanche, permettez au citoyen-lambda que je suis de vous dire qu’il n’a que du mépris – un mépris total – pour le citoyen Macron.

Je ne vous salue pas car une formule de politesse serait une hypocrisie de ma part.

                                                                                                                                 

 

P.S :

Après votre visite et votre repentance à la veuve de Maurice Audin, je m’attendais à une levée de boucliers des ténors de la droite, des associations patriotiques et des amicales militaires.

Pour l’instant, le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils font profil bas.

Mais les Algériens applaudissent des deux mains et demandent que la France « aille plus loin dans la reconnaissance des crimes commis par l’armée française ». Vous pouvez être fier de vous !

 

 

 

 

1)- Paras qui avaient pourtant mis fin au terrorisme en gagnant la « bataille d’Alger ».

2)- Avec la bénédiction du Garde des Sceaux, François Mitterrand.

3)- A-t-il été tué par l’armée française, les Harkis du Bachaga Boualem, ou…ses « amis » du FLN ? Le doute subsiste encore !

4)- J’ai écrit trois livres et des dizaines d’articles sur le sujet. Mon prochain livre, à paraître bientôt, s’intitule « Hommage à NOTRE Algérie française ». Le titre résume le livre.

5)- Et, pour (essayer de) comprendre l’Algérie française, lisez aussi Jean Brune, Guillaume Zeller, Pierre Montagnon, Edmond Jouhaud, Geneviève de Ternant, José Castano, etc…etc… Les bons auteurs ne manquent pas.

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