Par Raphaël SARDOU

 

Raphaël Sardou est président de « Les Éditions de Labadié (10) » -Avignon-

rsprof@gmx.fr

 

Un peu à la manière des « Césars » cuvée 2020, dès la revue achetée, une de mes premières curiosités fut de savoir de quelle origine étaient les intervenants, tant pour les rédacteurs des textes, que pour l’ensemble des instances de production.

Et ce n’est pas sans une certaine jubilation que je trouvais une réponse selon mes attentes.

Premier numéro de la Revue Front populaire « Souverainisme. » Juin 2020. Le constat est net : Pas de trace d’un méridional, pas un zeste d’Occitan, aucune présence de l’Ome d’Oc. Nibe, que dalle, dégun. En tant que tel, nous n’existons pas et plus, et ce depuis longtemps, dans l’espace, culturel, intellectuel, politique, « Français. »

On se souvient peut-être, quelquefois, de Charles Maurras, d’Alphonse Daudet, de Charles Pasqua, mais le plus souvent et dans les meilleurs des cas, Tartarin de Tarascon, Marius, les cigales, le pastis, les boules, et des fromages de chèvre, qui bêlent avec l’accent du Midi, un rugbyman aux intonations du terroir, un berger pyrénéen gardant son troupeau, servent de point de repères et de représentation de la Culture et de la Civilisation Occitane.

Après tout, bien fait pour nous ! Sommes-nous autres choses que cela, en fin de compte ? A l’heure, où toutes sortes de communautés exogènes, explosives, éructantes, s’emparent du « Roman national » ! pour tenter d’en réécrire ou d’en effacer sauvagement des pages et des chapitres, en un moment où l’on déboulonne les statues, où l’on sape de toutes manières les valeurs fondatrices (1) de la République Française, en cette époque où l’on souille sans vergogne la mémoire de ceux qui donnèrent leur vie pour un idéal altruiste, la voix du Midi et de l’Occitanie sont particulièrement éteintes.

Pas une seule revendication, pas une seule alerte, pas un seul cri…ou presque. Quand la statue de la République est attifée de mille drapeaux étrangers, où est le nôtre ?

Pourtant, les Méridionaux, les Occitans, ce sont des gilets jaunes, des soignants, des policiers, des enseignants, des chefs d’entreprises, ce sont des philosophes, des sociologues, des historiens, des explorateurs, des artistes, des artisans, ce sont des hommes et des femmes qui créent, qui pensent, qui construisent, ce sont des femmes et des hommes qui, aussi et plus tragiquement, tombent sous les coups de « loups » prétendument « solitaires »

Pourquoi, n’apparaissent-ils jamais « en même temps » portés par leur identité culturelle. Il est tristement facile et banal de constater qu’à la radio, à la tv, au cinéma, pas de journaliste, pas d’acteur, pas de comédien, pas de professeur, pas d’intellectuel, avec l’accent du Midi. Sauf à faire couleur locale.

Imagine-t-on le festival d’Avignon avec des comédiens et comédiennes parlant français avec l’accent du Midi ? Cette année, lecture publique de textes, au mois de juillet à Avignon, qui parlera avec l’accent du Midi ? Qui parlera de l’Occitanie ?

Imagine-t-on, la Comédie française, conçoit-on, Racine, Corneille, Molière résonnant, non plus selon l’accent français de Paris, mais selon l’accent (2) du Midi, de l’Occitanie ?

Cette hypothèse prête, à minima, à sourire, au mieux à susciter le rugissement de ce sacré bon rire Gaulois centraliste.

Et pour quelles raisons, je vous prie ? (3)

Imagine-t-on « Violette », nouvelle Miss France, minauder avec l’accent de Toulouse. Qu’en disent Claude ou Francis qui furent si souvent crucifiés par des humoristes qui venaient très fréquemment « Relever les compteurs » chez M. Michel Drucker.

Bons enfants, nous avons appris à rire, piteusement, de nous-mêmes.

La mise à soumission, les deux genoux en terre (4) de la culture du Midi, de la civilisation Occitane, des hommes et des femmes qui en constituent le peuple, ne date pas de ces derniers jours :

Monarchie et République, toutes deux, en stricte continuité, ont affaibli, déshonoré, étouffé, piétiné, saccagé et pillé, sans remord, tout ce qui, dans l’ « hexagone », pouvait ne pas être Français du Nord, « Parisien », plus précisément.

Mais le discrédit et l’opprobre jetés sur la culture, les femmes et les hommes du Midi et sur l’Occitanie (5), n’est pas le fait que de l’oppresseur extérieur, il se puise aussi dans la reculade continue, au fil du temps, des « élites », autoproclamées, originaires du « Sud » ! (6)

Les Félibres, le mouvement des années soixante-dix, les groupes régionalistes, pèsent peu devant les nombreux arrivistes, et les « honteux » : de la politique, de l’économie, de l’administration, de l’enseignement, de la culture, et des médias, qui pensent, consciemment ou pas, que faire allégeance aux Franchimands (7), c’est se dégager de la plèbe, du peuple, du païsan, se décerner un label d’honorabilité, se parer d’une fallacieuse excellence, surfacturant souvent, leur lâcheté, par un regard méprisant sur leur culture d’origine.

Soumission, allégeance, et bouche en Q de Pool (8).

La culture du Midi, la civilisation occitane semblent relever d’un espace englouti ; ou plus sûrement d’une terre quasi invisible, qui se convulse en une geste folkloriste le plus souvent, battue par des vents mauvais d’origines diverses.

Mais la société n’est pas stable, elle est saisie par des forces mouvantes, des plaques tectoniques, qui font apparaitre des volcans, et disparaitre des continents.

Le peuple Corse est en avance sur le peuple Occitan ; l’analyse développée dans le Boulevard Voltaire du 8 juillet 2020, résume, avec une lucidité effilée, la problématique actuelle, sœur de celle des Méridionaux/Occitans :

« « La vraie confrontation idéologique, en Corse, implique les nationalistes et les autres. Se concrétise, dans l’île, ce débat fondateur que, par tous les moyens, l’oligarchie « progressiste » au pouvoir tente d’empêcher en France. Le combat, dorénavant, est celui opposant les souverainistes aux mondialistes, le reste n’étant que fariboles pour amuser une galerie de moins en moins réceptive. En arrière-fond, pour les uns comme pour les autres, se profile la question cruciale : rester ou non un authentique peuple ou accepter de n’être plus qu’une population ? Les Corses ont tranché ; à l’ensemble des Français de faire de même. » Ange-Mathieu Mezzadri.

Je salue l’ange qui passe évidemment, mais pour le peuple Occitan s’ajoutent d’autres questions essentielles.

Existe-t-il encore un sentiment d’appartenance à la culture du Midi, à la civilisation occitane ? Sommes–nous capables de faire renaître, de faire vivre une culture riche, enracinée, contemporaine capable, entre autres, d’enrayer la mondialisation et ses effets néantisseurs ? Sommes-nous en mesure d’affirmer notre identité, oublier tout sentiment de honte, et recouvrer une dignité sûre d’elle–même, pour ne pas dire conquérante ? Sommes-nous capables simultanément d’une Renaissance et d’une Reconquête, en particulier de nous-mêmes ?

Ce sont-là des questions au long cours, mais les vitesses narratives et responsives sont plurielles, l’histoire est riche de phases soudainement accélérées.

Nous disions des « vents mauvais d’origines diverses » : le centralisme, le mondialisme, l’ultralibéralisme, le politisme, l’obscurantisme religieux. Tous affolent notre boussole Occitane.

Que voulons-nous ?

« Politiquement » nous sommes proches des options développées dans le « Décoloniser les Provinces » 2017. Michel Onfray. On invite à sa lecture.

Contrairement aux pratiques amollissantes actuelles, nous ne sommes pas favorables aux quotas, aux places réservées selon l’origine culturelle : les conséquences individuelles et collectives en sont par trop désastreuses.

Nous agissons pour une République restaurée (9), qui fasse sa place à chacun, selon ses véritables et authentiques mérites dûment constatés. Cohérents, nous sommes favorables à une remise en place de solides structures de formations, intellectuelles, technologiques, manuelles, qui rendent possible cette ambition.

Ce faisant nous parlons des moyens, individuels et collectifs. La création de l’association « Les Editions de Labadié » en fait partie, simplement, modestement.

Que chacun des nôtres, parage et parentèle, s’invente, se continue, s’amplifie, se rallie.

Cet article vise trois buts : rappeler notre existence, activer le débat, participer à la construction d’une France vivifiée, équilibrée et sereine….

« Vaste programme » comme dirait Magali…

« Aubouro te, raço latino » comme le chante F. Mistral…

 

 

Notes :

(1) Taux de réussite au bac de cette année, 95,7%. On l’a donné même à ceux qui n’en voulaient pas. « « Moi je dis, merci le corona ! » (France Bleue Moselle) Le virus a été inoculé depuis long.

(2) Nous aurions à dire sur l’orthodoxie de l’accent. En France il est le résultat d’un rapport de forces violent.

(3) On écoutera avec profit l’émission diffusée le mercredi 8 juillet 2020, dans la série « les pieds sur terre » sur France Culture.

(4) « …cette terre vaincue et humiliée… » in : Le drame albigeois et le destin français. Préface. Jacques Madaule. 1961

(5) Lire le livre remarquable de Jean- Yves le Naour : La légende noire des soldats du Midi. 2013. Vendémiaire.

(6) L’appellation est plus attractive du point de vue de l’industrie du tourisme. La bataille idéologique porte évidemment aussi sur les mots.

(7) Lou Pichot tresor – Xavier de Fourvières – Editions Marcel Petit. Culture provençale et Méridionale. 1987.

(8) Pour sacrifier à la désopilante pratique du Franglais par nos « Elites » ; comme ligne de démarcation.

(9) « Ce pays n’est qu’un vœu de l’esprit, un contre sépulcre » Poème « Qu’il vive » René Char. Les Matinaux. 1950.

(10) Association 1901, fondée le 18 juin 2020. C’est un hasard heureux. Nous ne nous calquons pas sur l’entreprise de M. Michel Onfray, mais nous nous appuyons sur de mêmes valeurs.

Fiers de nos racines !

Faites connaitre notre site, partagez !