Par Franck Pallet sur RT
En pleine crise du Covid-19, et alors que la défiance du peuple à l’égard de l’élite politico-administrative se fait grandissante, Franck Pallet -consultant juridique auprès d’un cabinet d’avocats monégasque- se penche sur les racines, plus globales, de l’incapacité du système politique à redresser la barre.
Cela fera bientôt un an que la France et les autres pays de notre planète sont touchés par la pandémie de Covid-19. Toutes les thèses développées par la communauté scientifique, relayées par les dirigeants politiques et les médias ont tout d’abord minimisé la gravité de celle-ci, la considérant même comme une simple « grippette ». Le port du masque n’était pas obligatoire pour la population et n’était réservé qu’au personnel de santé.
Puis la situation s’est aggravée dès la mi-février au point que le gouvernement d’Edouard Philippe a décrété l’état d’urgence sanitaire le 17 mars 2020. Nous avons ainsi été confinés jusqu’au 11 mai 2020, ce qui a occasionné un arrêt brutal de l’économie dont on ne connaît pas pour l’heure toutes les conséquences dramatiques sur nos vies respectives. Certains d’entre nous n’y survivront d’ailleurs pas, en dépit des mesures sans précédent prises par le gouvernement qui sont hélas loin de suffire lorsque l’on analyse de plus près le plan de relance de 100 milliards d’euros.
Selon certaines estimations, l’économie française perdra entre 800 000 et 1 million d’emplois d’ici le printemps prochain, ce qui portera le taux de chômage à environ 11,5% de la population active. Ce bref diagnostic ne doit pas cependant cacher les carences de l’Etat dont la réactivité a été pour le moins tardive comparativement à d’autres pays comme l’Allemagne. Sans doute la structure fédérale de ce pays a contribué à cette efficacité dans la gestion de la crise sanitaire à la différence de la France dont le processus de décision publique est largement centralisé. Il y a sans doute là des raisons historiques qui expliquent le manque d’efficacité de notre Etat tant dans la conduite des politiques publiques que dans la manière de gérer cette crise sanitaire. Le Colbertisme est encore largement ancré dans notre culture économique et sociale tandis que d’autres pays ont adopté des structures étatiques moins bureaucratiques.
Aux observations qui précèdent s’ajoutent d’autres incohérences dans l’action publique. On nous parle d’une loi sur le séparatisme dont le discours de présentation par le Président de la République laisse place pour l’heure au scepticisme quant à son utilité et son efficacité compte tenu des circonstances actuelles. On retrouve ainsi l’immédiateté du processus législatif qui est le fait du seul gouvernement sans en étudier véritablement l’impact de manière précise sur la pratique et l’enseignement de l’islam dans notre pays. N’est-ce pas, là encore, exacerber les communautarismes qui gangrènent déjà notre pays ? Ou est-ce une manière de jeter « des pétards mouillés » pour détourner le peuple de ce qui le préoccupe tout particulièrement, à savoir l’emploi ?
Il est légitime de penser qu’Emmanuel Macron est déjà en campagne pour les élections présidentielles. C’est d’ailleurs également pour cela que l’actuel gouvernement ressort des tiroirs la réforme des retraites tant décriée par les français, là aussi insuffisamment pensée et mal conçue. L’action publique doit s’inscrire dans le long terme et ne pas dépendre du seul calendrier des élections, tout particulièrement des présidentielles. Sans doute, l’introduction du quinquennat dans notre système politique y est pour quelque chose : il ne permet plus de conduire des politiques publiques à moyen et long terme. Les gouvernements décident ainsi dans la précipitation tout en ayant les yeux rivés sur Bruxelles et, partant, Bercy, qui applique aveuglement les recommandations voire les injonctions de la Commission européenne au nom du respect des traités.
C’est pour cela même que la défiance du peuple à l’égard de l’élite politico-administrative n’a eu de cesse de s’exacerber depuis des décennies. C’est précisément le manque d’audace et de proximité avec le peuple qui est le principal germe de la maladie de notre société Mais au-delà de ces constatations, c’est la formation même de cette élite qui est à l’origine du manque d’efficacité de la décision publique et, par voie de conséquence, des politiques ainsi conduites. Le Président de la République s’en est alors pris, lors de la conférence de presse du 24 avril 2019, à l’ENA qui ne serait plus adaptée selon lui à l’évolution actuelle de notre société et qui manquerait de diversité dans la sélection des hauts fonctionnaires, proposant même de la supprimer à titre de concessions au mouvement des Gilets jaunes. Mais est-ce l’ENA qui est à l’origine de tous nos maux ? Rien n’est moins sûr. En effet, le formatage des esprits et le conformisme à la pensée unique actuelle ont déjà eu lieu dans les formations académiques antérieurement dispensées aux étudiants.
L’ENA, faut-il le rappeler, est une école d’application qui n’est que l’aboutissement d’un parcours académique censé nous avoir enseigné tous les outils utiles à la conduite des politiques publiques. Il est largement admis que ceux-ci apparaissent en décalage avec la mutation de la société actuelle. S’il est nécessaire de réformer en profondeur l’ENA, et sans doute son mode de sélection, c’est tout le système d’apprentissage universitaire qu’il faut également repenser. Le corpus théorique doit faire place à davantage de diversité et de pluralisme, d’expériences sur le terrain, de confrontations avec la réalité économique et sociale.
Une réforme ou une politique publique ne doit pas se réduire à de simples notes administratives consultées par les décideurs « à la va vite », sans prise de recul, à l’instar des fiches qu’on nous apprenait à rédiger lors de nos études et à appliquer telles quelles en toutes circonstances. Enfin, la décision politique doit retrouver sa véritable place et ne pas être dictée par les seuls experts et la technocratie sur laquelle elle s’appuie la plupart du temps. C’est précisément le manque d’audace et de proximité avec le peuple qui est le principal germe de la maladie de notre société.
Il est encore temps de traiter le mal à la racine. C’est à ce prix que notre pays retrouvera progressivement son rang sur la scène internationale. Mobilisons pour cela toutes les intelligences et les initiatives de chacun.