Le billet d’Éric de Verdelhan

 

« L’union entre les hommes n’est fondée que sur une mutuelle tromperie ».

(Blaise Pascal ; « Les pensées » (1670))

 

Dans plusieurs articles récents, j’ai dit tout le mal que je pensais de l’« apolitisme » que je considère comme une arnaque morale ou la bonne conscience des lâches.

Je reviens sur ce sujet aujourd’hui car, à l’approche des municipales, certains sortants LR, centristes ou socialistes, soucieux de défendre leur gamelle et qui ne veulent surtout pas prendre le risque d’avouer trop ouvertement leur ralliement à Micron, annoncent d’ores et déjà qu’ils vont constituer des listes « apolitiques » : on nous refait, localement, le coup de « la société civile » (en omettant, au passage de rappeler comment, et par qui, sont élus les sénateurs).

On sait pourtant, d’expérience, que faire entrer dans un gouvernement des membres de « la société civile » est une vaste fumisterie, une escroquerie intellectuelle : ne pas être encarté dans un parti politique ne veut pas dire que l’on n’a pas d’idées politiques. Donc, soit on accepte d’entrer dans une équipe dont on partage les convictions, ce qui est respectable, soit on va tout simplement à la soupe, ce qui l’est beaucoup moins !

En matière d’apolitisme, je sais déjà qu’on va m’invoquer les grands moments de notre histoire. Ceux où des Français ont su oublier leurs dissensions, leur opposition, leurs divergences politiques pour s’unir, tel un seul homme, contre l’ennemi ou contre un péril grave.

Nous avons tous en mémoire l’« Union Sacrée », ce rapprochement qui a soudé les Français de toutes tendances lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale.

Le terme a été utilisé pour la première fois au Parlement, le 4 août 1914, par le Président Raymond Poincaré. Les organisations syndicales et politiques se rallièrent toutes au gouvernement.

Nous avons opposé aux Allemands une armée de 8 millions d’hommes ; nous en avons fait tuer 1,4 million. Et il faudra attendre le général Pétain pour que le sort du poilu préoccupe – enfin ! – les embusqués des deux chambres1.

Il est regrettable que les Français connaissent aussi mal leur histoire, car, depuis l’« Union Sacrée » de 1914, les alliances « citoyennes », les unions apolitiques, les comités de salut public, et autres rassemblements de gens de tous bords confondus, se sont avérés être des « couillonnades » dans lesquelles la droite française a toujours laissé des plumes.

Souvenons-nous de la mémorable raclée de juin 1940. Dans la panique générale, il a fallu trouver un sauveur. Le 10 juillet 1940, les parlementaires français donnaient les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain : 670 votent (426 députés et 244 sénateurs) ; 176 parlementaires sont absents dont 27 sont à ce moment-là en mer, embarqués le 21 juin du port de Bordeaux, vers Casablanca sur le paquebot « Massilia » (26 députés et un sénateur). Sur 649 suffrages exprimés : 80 parlementaires (57 députés et 23 sénateurs) votent contre les pleins pouvoirs. 569 approuvent (357 députés et 212 sénateurs) soit 87,67 % des suffrages exprimés. 20 autres s’abstiennent.

Sur les 569 votants en faveur des pleins pouvoirs, 286 ont une étiquette de gauche ou de centre-gauche et 46 sont sans étiquette. L’histoire, si elle n’était pas pipée, aurait dû retenir – primo – que le Maréchal Pétain est arrivé au pouvoir de façon parfaitement légale et – secundo – qu’il a été porté au pouvoir par une majorité…de gauche.

Le vieux maréchal, dans sa grande naïveté, a voulu jouer l’union nationale en confiant des ministères à des gens venus d’horizons politiques différents, à commencer par le socialiste Pierre Laval, chef du gouvernement. On a un peu oublié que les ministres ou les collaborateurs du Maréchal les plus ouvertement partisans d’une collaboration « totale et entière » avec le régime nazi venaient souvent de la gauche : Paul Marion, Marcel Déat, Jacques Doriot, Victor Barthélémy…etc…

Les partis les plus collaborationnistes furent le « Parti Populaire Français » créé par Jacques Doriot, ancien député-maire communiste de Saint-Denis, et le « Rassemblement National Populaire » du député socialiste Marcel Déat, ministre de l’aviation en 1936, sous le « Front populaire ».

Le lecteur qui voudrait se faire une idée objective de cette période, doit absolument lire l’« Histoire critique de la Résistance »2 et, l’« Histoire de la Collaboration »3 de Dominique Venner, « La droite était au rendez-vous »4 d’Alain Griotteray, et la série de 13 ouvrages écrits par Henri Amouroux sous l’intitulé générique de « La grande histoire des Français sous l’occupation ».

Citons aussi l’imposant dossier réalisé par un collectif de résistants de toutes les accointances politiques, intitulé : « Le patriotisme des Français sous l’occupation »5. On y parle, entre autres, de l’école des cadres (des « Chantiers de jeunesse ») d’Uriage, chargé d’inculquer aux jeunes l’esprit de la « Révolution Nationale ». Cadres dont beaucoup rejoindront les maquis.

Et pourtant, depuis la Libération, on nous a vanté une résistance exclusivement de gauche ou gaulliste, et depuis la Libération, la droite – nationale ou nationaliste – rase les murs.

Parlons aussi du « Conseil National de la Résistance » (CNR), créé par De Gaulle en 1943 pour préparer la Libération. Le premier Président du CNR sera Jean Moulin, homme de gauche et franc-maçon6. De Gaulle disait vouloir rassembler au sein du CNR des patriotes venus de tous les partis politiques, et la droite patriote et résistante l’a cru, or quels étaient les hommes d’influence du CNR ? Pierre Villon, du FNR (communiste), Louis Saillant (CGT), Gaston Tessier (CFTC), André Mercier (PCF), André Le Troquer (SFIO), Marc Rucart (Radicaux), Georges Bidault (Démocrates-Chrétiens : centre gauche), Joseph Laniel (Alliance Démocratique : droite modérée et laïque) et Jacques Debû-Bridel (Fédération Républicaine : droite conservatrice et catholique). Debû-Bridel, député, puis sénateur, finira chez les gaullistes de gauche, quant à Joseph Laniel, Président du Conseil en 1954, c’est Diên-Biên-Phu qui provoquera la chute de son gouvernement.

Parlons encore du « Gouvernement Provisoire de la République Française » (GPRF), présidé par De Gaulle à la Libération : Pour l’histoire officielle, un gouvernement de coalition. Mais il suffit de voir à qui sont confiés les grands ministères : ministre de l’Armement : Charles Tillon (PCF), ministre du Travail : Ambroise Croizat (PCF), ministre de la Production industrielle : Marcel Paul (PCF) ; Ministre de l’Économie : François Billoux (PCF). Les socialistes seront également bien lotis : ministre de l’Intérieur : Adrien Tixier (SFIO), ministre de l’Agriculture : Tanguy Prigent (SFIO), ministre des Transports et Travaux publics : Jules Moch (SFIO), ministre des PTT : Eugène Thomas (SFIO).

André Malraux aura (déjà !) le ministère de la culture. Vincent Auriol (SFIO) sera ministre d’État, tout comme le déserteur Maurice Thorez (PCF). Avant de le renvoyer en France, Staline aurait demandé à De Gaulle « Ne le fusillez pas tout de suite ». Et De Gaulle en fera un ministre d’État…

Et puis, quand la 4ème République s’enlise dans le conflit algérien7, un véritable coup d’Etat ramène aux affaires « l’ermite de Colombey » qui n’en peut plus de sa longue traversée du désert.

Le putsch – car il s’agit bien de cela ! – du 13 mai 1958 est monté par les gaullistes mais la droite nationale s’y associe, persuadée que De Gaulle est le garant de l’Algérie française. Même l’UDCA de Pierre Poujade, qui n’est au Parlement que depuis 1956, se fait rouler dans la farine. 

« De Gaulle, c’est l’Empire ! » disait-on à l’époque. On sait, depuis, ce qu’il en a fait !

En 1968, on reviendra chercher la droite nationale pour sauver le régime. Et celle-ci marchera encore puisqu’on lui promet, en échange de son soutien, l’amnistie totale des partisans de l’Algérie française (et la libération de ceux qui sont encore en prison).

Passons à 1974. Georges Pompidou est mort. La « droite-cachemire » s’entiche de Giscard dit « d’Estaing »8 et une partie de la droite nationale se fait encore avoir.

Giscard entendait « vider le programme commun de son contenu » et prétendait que « deux Français sur trois (aspiraient) à être gouvernés au centre ». Libéral en matière de mœurs, on lui doit, entre autres :

La légalisation de l’avortement, qui depuis 1975, à raison de 240 000 avortements annuels, aura assassiné légalement plus de 9 millions de petits Français.

Le « regroupement familial » qui remplaçait une immigration de travail et qui est à l’origine de l’invasion afro-maghrébine incontrôlée que nous subissons aujourd’hui.

Depuis Giscard, la France n’a plus jamais connu un budget en équilibre.

C’est le même Giscard qui, en 1975, créait le G7 et expliquait aux pays industrialisés que les peuples ne supportant plus l’hyper fiscalité, il fallait les culpabiliser avec le réchauffement climatique et les taxer au nom de l’écologie. Depuis, l’écologie « punitive » fonctionne à plein régime ! On pourrait aussi parler du cataclysme de 2002, quand la France pétocharde se jetait dans les bras de Chirac par peur de la « peste brune » incarnée par Le Pen.

Ou encore, de 2007 où Sarkozy se faisait élire par des voix de droite pour faire aussitôt le contraire de son programme (et confier des ministères « d’ouverture » à des socialistes qui, TOUS, sans exception lui tiraient dans le dos quelques années plus tard).

Je ne reviendrai pas sur le coup d’Etat sans violence qui a amené Micron au pouvoir, sinon pour signaler que quelques crétins, à droite, ont fondé des espoirs sur ce président « jupitérien ».

Pourquoi la droite française est-elle « la plus bête du monde » ?

D’abord parce qu’elle est sensible aux accusations (fausses) dont on l’accable. Elle a très peur, par exemple, de s’avouer « nationaliste ». On la culpabilise en la matraquant de formules creuses.

Romain Gary a utilisé une tirade célèbre, reprise plus tard par De Gaulle : « Le Patriotisme, c’est l’amour de sa patrie ; le Nationalisme, c’est la haine de l’autre ».

Plus récemment, c’est Mitterrand qui théorisait un lieu commun, repris par l’ineffable BHL, la bonne conscience dépoitraillée des plateaux télé : « Le Nationalisme, c’est la guerre ! »

Durant la seconde guerre mondiale, deux états ont fermement refusé d’entrer dans la guerre, et d’alourdir la facture (presque 50 millions de morts) : L’Espagne franquiste et le Portugal de Salazar. Le National-syndicalisme espagnol – hérité de Primo de Rivera – étant assez proche du Nationalisme chrétien de Salazar, c’est Franco qui a convaincu son voisin de rester neutre.

On pourrait aussi considérer que, par sa volonté sourcilleuse et autarcique d’indépendance, la Suisse est un pays un brin « nationaliste », or, depuis que François 1er a sévèrement battu les Suisses à Marignan en 1515, ils n’ont plus jamais fait la guerre : ils sont neutres depuis 500 ans !

En fait, la droite française se comporte avec la gauche comme les cathos progressistes devant l’Islam : depuis Vatican II, ils rêvent d’un œcuménisme de Bisounours : « Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil », « les religions monothéistes sont faites pour s’entendre » … etc… etc…

Mais cet œcuménisme, ceux d’en face n’en veulent pour rien au monde !

La gauche, depuis toujours, accepte les voix de droite, mais uniquement pour gagner les élections et imposer ses « avancées sociétales », belle formule en langue-de-bois, qu’on pourrait traduire, en Français, par « dépravation des mœurs » (ou « délitement de la société » ?).

Quant à Micron, il caresse dans le sens du poil tous ceux qui peuvent servir ses ambitions : le lobby LGBT, le lobby pro-immigration, les féministes, la « diversité », les « frères la gratouille », les socialos repentis, les vieilles nymphos séduites par ce jeune bellâtre, les retraités aisés (assez stupides pour voter majoritairement pour lui), les cathos de gauche, les gogos, les naïfs et, hélas aussi, un ramassis d’imbéciles qui osent encore se dire « de droite » ou pire…apolitiques.

Notes :

1)- N’oublions pas, cependant, que 17 députés sont morts au Champ d’Honneur durant la Grande Guerre (il y avait à l’époque, en France, 701 députés et sénateurs).

2)- « Histoire critique de la Résistance » de Dominique Venner ; Pygmalion ; 1995.

3)- « Histoire de la Collaboration » Pygmalion ; 2000.

4)- « La droite était au rendez-vous » Laffont ; 1985.

5)- « Le patriotisme des Français sous l’occupation » sous la responsabilité de F-G Dreyfus ; Editions de Paris ; 2000.

6)- Mort en héros pendant son transport vers l’Allemagne.

7)- C’est le socialiste Guy Mollet qui enverra le contingent en Algérie.

8)- Son père, le banquier Edmond Giscard, a acheté sa particule en…1929.

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