D’après Pierre Brisson

Les points de vue exprimés dans cet article ne reflètent pas forcément les positions de la Ligue du Midi mais, dans le cadre de la liberté d’expression, amènent une vision éclairante dans ces débats.

Le 9 août 2022, pour le compte de l’Iran, La Russie a lancé un satellite d’observation. Un révélateur d’erreurs stratégiques de la part de l’Occident.

Le 9 août 2022, pour le compte de l’Iran, La Russie a lancé un satellite d’observation dont l’objet déclaré est, selon les Iraniens, de surveiller les frontières du pays, améliorer la productivité agricole, suivre l’évolution de la déforestation, contrôler l’évolution des ressources en eau et observer les éventuelles catastrophes naturelles qui pourraient frapper le pays.

Un satellite iranien de fabrication russe

Ce satellite, baptisé Khayyam (d’après le célèbre poète du XIe siècle, Omar Khayyam, qui était aussi mathématicien et astronome) est techniquement un objet russe.

Il a en effet été conçu et réalisé par l’institut russe de recherche scientifique en électromécanique VNIIEM dans une série bien connue qui est celle des satellites Kanopus-V. Il a été lancé de Baïkonour, l’astroport habituel des Russes, situé au Kazakhstan (et loué continument par la Russie à ce pays depuis la fin de l’URSS). Les Iraniens ont bien une agence spatiale (Iranian Space Agency), des lanceurs, Safir suivi par Simorg (échec) suivi par Qased. Mais jusqu’à présent leurs performances ont été piteuses (mise en orbite d’un satellite, Omid de 27 kg en 2009 avec Safir puis de Nour-1 de 15 kg en 2020 avec Qased). Le russe Khayyam est d’un tout autre niveau (600 kg et porteur de caméras très puissantes). Il est vrai que, comme pour le développement du nucléaire, la mise à l’index de l’Iran n’a pas facilité ses progrès autonomes.

Il est à noter que le satellite Khayyam n’est pas géostationnaire (altitude 36 000 km) et évoluera à une altitude basse de 500 km (à peu près l’altitude de l’ISS).

On peut aussi noter qu’il a été lancé à un moment où l’Iran va parvenir à la production d’uranium d’un niveau de pureté (plus de 90 %) compatible avec celui nécessaire pour la réalisation d’une bombe nucléaire.

On peut encore noter que le ministère de la Défense iranien est étroitement associé au projet. Des militaires iraniens sont attachés au centre de contrôle russe du vol du satellite et un groupe d’officiers et de sous-officiers iraniens seront les analystes des images d’intérêt militaire.

On peut noter enfin que l’altitude à laquelle le satellite évoluera ne lui permettra pas de rester fixe au-dessus du territoire iranien mais qu’elle l’obligera à faire constamment le tour du globe, ce qui est nécessaire à son maintien en orbite.

Avec cet instrument qui passera au-dessus du pays toutes les 90 minutes, l’Iran aura donc un bon contrôle de son territoire (définition des images de 1,2 mètre par pixel) mais pas un contrôle permanent comme s’il disposait d’un satellite géostationnaire (à l’altitude de 36 000 km, la définition des photos aurait cependant été moins bonne). Ce contrôle s’améliorera avec les prochains satellites puisque deux sont encore prévus (apparemment toujours à la même altitude), bien sûr avec le même partenaire.

Une conséquence de la politique américaine vis-à-vis de la Russie

Il est évident que ce satellite n’aura pas pour objet que la surveillance du territoire iranien.

Il pourra observer le sol des autres pays survolés, avec évidemment la même définition. On ne connaît pas sa trajectoire mais on peut l’imaginer. Il serait très étonnant qu’à chaque passage au-dessus d’Israël l’appareil ne prenne pas quelques photos.

On voit là les conséquences de la politique absurde des Américains vis-à-vis de la Russie depuis l’implosion de l’Union soviétique. En dépit des réalités, les États-Unis et l’OTAN ont toujours considéré que ce pays n’était que l’avatar de l’URSS et qu’à ce titre il présentait toujours un grand danger, tout en estimant qu’il était devenu une puissance secondaire en ne regardant que son PIB. Dans les années 1990, il aurait fallu tourner la page, accueillir le « repentant » dans la communauté des nations démocratiques au lieu de l’isoler puis de le repousser dans les bras de nos ennemis en ne lui laissant aucun autre choix que l’hostilité.

Il ne fallait surtout pas ignorer qu’il conservait une puissance potentielle considérable : des compétences technologiques importantes, des ressources naturelles supérieures à tout autre pays et une présence géographique inégalée puisque son territoire est le plus grand de tous les pays du monde.

La guerre en Ukraine, largement provoquée par le grignotage de la périphérie du monde russe par les Américains derrière l’OTAN, a fini par faire éclater la tension en conflit ouvert et voici que maintenant la Russie soutient l’un des ennemis les plus dangereux de l’Occident tout entier. Beau résultat ! C’est le couronnement de trente années d’une politique internationale menée en dépit du bon sens.

Avec ce satellite il pourrait être plus difficile pour Israël de retarder encore l’accès de l’Iran à la bombe nucléaire et nous aurons un nouveau membre du « club » qu’il sera bien difficile de contrôler. Dans l’immédiat c’est surtout cela qu’il faut craindre, beaucoup plus que l’aide que les Iraniens pourraient apporter aux Russes en surveillant l’Ukraine, comme le craint le Washington Post, obnubilé par ce conflit. On ne peut pas changer si facilement l’orbite d’un satellite (il faut des réserves embarquées d’ergols non négligeables !) et les Russes ont d’autres moyens d’observation de l’Ukraine.

Cela ne signifie pas pour autant que la Russie prend le parti de l’Iran contre Israël qui reste un partenaire privilégié de la Russie. Elle lui permet simplement de se protéger. C’est sans doute un jeu dangereux mais le message principal est adressé à l’Occident. Il nous dit que la consigne de non-coopération dans le domaine spatial avec ce pays que la Russie avait respecté jusqu’à présent ne tient plus, que la Russie se désolidarise un peu plus de nous, hélas !

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