Le billet d’Eric de Verdelhan

 

« Les Conventions de Genève de 1864, 1906, 1929 et 1949 définissent les crimes de guerre.

 

Ceci inclut, principalement, les cas où une des parties en conflit s’en prend volontairement à des objectifs non militaires, aussi bien humains que matériels. Un objectif dit « non militaire » comprend les civils, les prisonniers de guerre et les blessés, a fortiori des villes ne comportant pas de troupes ou d’installations militaires. » (Définition – fort succincte et incomplète – sur Internet).

Depuis l’affaire Georges Floyd, puis les émeutes « racialistes » provoquées par le clan Traoré, et, tout récemment, l’affaire Obono, caricaturée en esclave dans « Valeurs Actuelles », il ne se passe pas un jour sans qu’un élu de gauche, ou un journaliste (également de gauche), ne fasse semblant de (re)découvrir les massacres de Tirailleurs Sénégalais perpétués par les Nazis pendant l’offensive-éclair de juin 1940.

Ces massacres furent, hélas, nombreux et ils répondaient, très majoritairement, à l’idéologie raciste des Nazis. Dès le début de la guerre, Goebbels dénonçait les Français comme « des sadiques négrifiés » utilisant « une racaille de couleur ». L’infanterie SS avait pour ordre de « ne prendre vivant aucun prisonnier nègre ». Dès lors, les Noirs capturés furent souvent, trop souvent, abattus.

Entre le 12 et le 16 juin 1940, par exemple, en Eure-et-Loir, 105 Tirailleurs Sénégalais donnent une leçon de bravoure aux Allemands. L’un de leurs officiers, qui leur vouait une légitime admiration, dira d’eux : « Quels hommes ! Quels guerriers ! Des soldats magnifiques. Ce que l’Empire français a suscité de plus remarquable, avec ceux des DINA (1), bien entendu… »

Lorsque les Allemands parviennent à renverser la situation, ils massacrent les hommes en prétextant qu’il s’agirait de violeurs de femmes et d’enfants. La suite de cette histoire sordide est connue : à Chartres, le préfet Jean Moulin est arrêté le 17 juin 1940 parce qu’il refuse de signer un protocole rédigé par trois officiers allemands, reconnaissant que les Tirailleurs Sénégalais ont commis des atrocités envers des civils dans un hameau du département. Frappé à coups de poing, Jean Moulin tentera de se suicider en se tranchant la gorge avec un morceau de verre. C’est la raison pour laquelle, jusqu’à sa mort en 1943 – devenu le chef du Conseil National de la Résistance – il portait toujours une écharpe, quelle que soit la saison.

D’autres massacres de Tirailleurs ont eu lieu dans la région de Châtillon-sur-Seine (Yonne) et à Clamecy. Les Allemands entrent dans cette commune de la Nièvre le 16 juin 1940. Ils répartissent alors les prisonniers français dans trois camps et entraînent 44 Tirailleurs vers le bois de la Pépinière où ils sont abattus par balle.

Le 19 juin 1940, à Chasselay-Montluzin, près de Lyon, alors que l’armée française recule, la 3ème compagnie du 25ème Régiment de Tirailleurs Sénégalais ne reçoit pas l’ordre de repli.

Le régiment « Gross Deutschland » rencontre une résistance inattendue. Pendant des heures, les redoutables soldats africains vont se battre avec l’énergie du désespoir.

La caporal-mitrailleur Scandariato racontera plus tard : « Nous étions environ une vingtaine de Blancs et un grand nombre de Sénégalais. Le capitaine nous demanda quels étaient les volontaires pour le dernier baroud d’honneur, la « Coloniale » ne se rend pas sans un dernier combat. Tous répondirent présents et nous prîmes nos dispositions de combat… »

Les Tirailleurs combattent jusqu’à épuisement de leurs munitions. Contraints de se rendre, ils sont immédiatement capturés. 70 soldats africains sont conduits dans un champ. Les Nazis les obligent à fuir en courant. Les mitrailleuses des chars ouvrent alors le feu et abattent les hommes dans le dos. Les blindés achèvent les blessés sous leurs chenilles. C’est une horreur !

Dans un de ses livres, Frédéric H. Fajardie, romancier d’extrême-gauche, nous livre SA vision de l’offensive de juin 1940 (2) : on y voit des officiers de carrière lâches, pétochards, fuyants devant l’offensive allemande tandis que quelques militants de la SFIO font preuve de courage et sauvent l’honneur. Mais il raconte aussi l’assassinat de prisonniers sénégalais sous les chenilles de char…

Ces faits sont une réalité. Les témoignages existent par dizaines. Et ils n’étaient pas toujours imputables aux Nazis. Quelques unités de la Wehrmacht se sont livrées à des tueries au motif que des Sénégalais auraient violé des femmes allemandes pendant l’occupation de la Ruhr. Ils leur prêtaient parfois une magie sexuelle dont ils étaient jaloux. De nombreux soldats allemands avaient une peur bleue de ces redoutables combattants, capables de monter à l’assaut, au coupe-coupe, contre des mitrailleuses. Leur courage ne se mesurant pas à leurs médailles mais au chapelet d’oreilles ennemies que les plus braves portaient fièrement, en collier, autour du cou.

Comme je l’ai fait dans plusieurs de mes livres, cet article me donne l’occasion de rendre hommage aux guerriers héroïques qu’ont été, durant toutes nos guerres, nos Tirailleurs – sénégalais ou nord-africains -. Plusieurs milliers sont morts pour la France, ne l’oublions pas !

D’ailleurs, le « devoir de mémoire » à leur égard s’est imposé très vite : dès l’été 1940, Jean-Baptiste Marchiani, de « l’Office départemental des mutilés, combattants, et victimes de la guerre » proposait de donner une sépulture mémorielle aux Tirailleurs Sénégalais tués à Chasselay.

Pour respecter leurs traditions, il imaginait la construction d’une nécropole nationale sur le modèle d’un cimetière africain en ocre rouge. Le 8 novembre 1942, son projet voit le jour. Le « tata » sénégalais de Chasselay est inauguré. Dans cette « enceinte de terre sacrée » en wolof, 188 corps de Tirailleurs retrouvés dans la région sont inhumés. Pour honorer l’Armée d’Afrique, le gouvernement de Vichy leur rendra hommage en déclarant qu’ils sont tous « tombés au champ d’honneur ».

Les massacres de nos troupes indigènes sont des crimes de guerre imputables aux Nazis, mais il semble que, pour les « racialistes », les « décoloniaux », et autres associations de défense des Noirs, ces atrocités soient à mettre au compte de…la France.

En effet, si nous n’avions pas été « esclavagistes », « colonialistes », « exploiteurs de la misère africaine », il n’y aurait pas eu d’indigènes pour servir dans nos armées et mourir pour la France.

C’est d’une logique imparable : « Si ma tante en avait, on l’appellerait mon oncle ».

Je ne perdrai pas mon temps à (tenter d’) expliquer à ces ignares et/ou ces imbéciles ce qui motivait les Africains à s’engager, nombreux, chez les Tirailleurs, les Spahis ou les Goumiers.

Tout individu normal condamne les crimes de guerre mais hélas, la guerre n’est jamais « en dentelle », sauf peut-être dans « La Grande-Duchesse de Gérolstein », l’opérette d’Offenbach.

Ma génération n’a pas connu la guerre, mais je constate assez régulièrement que les gens qui n’ont entendu siffler que des balles de tennis (ou de golf) sont toujours prompts à pousser des cris d’orfraie sur les atrocités commises par… le camp d’en face.

Dans « Mythes et Légendes du Maquis » (3), j’ai raconté un certain nombre de crimes odieux perpétrés par les FTP communistes à la Libération, juste pour rappeler que la guerre n’est jamais binaire : les bons d’un côté, les méchants de l’autre. Il y a des salauds dans tous les camps !

Et puis, les crimes de guerre contre les Blancs, ça existe aussi ! Mais si, mais si !

Parlons, par exemple, d’un épisode peu glorieux de la vie du maréchal Leclerc ; épisode oublié par ses thuriféraires. Cette histoire a été racontée en détail par Christian de La Mazière, auteur du livre « Le rêveur casqué » (4), dans son livre-testament « Le rêveur blessé » (5) :

« En 1945, tout à la fin de la guerre, un petit lot de prisonniers était échu en partage à un échelon de la 2ème DB. Ces prisonniers de guerre étaient des Français. Certes ils étaient revêtus d’un uniforme allemand …mais ils ne s’étaient pas battus contre l’armée française, leur engagement étant exclusivement contre l’Est, l’URSS, les rouges. Tirer sur des soldats français, l’idée ne serait venue à aucun. C’était tout simplement inconcevable, absurde. …Ces jeunes gens étaient tous de bonne foi et courageux, comme le reconnut De Gaulle dans ses mémoires, mais ils étaient embarrassants ces rescapés de la « Charlemagne » (6). On les fusilla sans jugement, sans conseil de guerre, sans rien, comme on détruit des animaux nuisibles … ».

En fait, Leclerc en personne a apostrophé le jeune lieutenant qui commandait les survivants de cette unité : « Vous n’avez pas honte de vous battre sous l’uniforme allemand ? ». Et l’officier lui aurait répondu : « Vous vous battez bien sous l’uniforme américain … ».

En 1981, un numéro de « Paris-Match » a relaté les faits, sans que cela soulève la moindre polémique : on ne touche pas à une icône du gaullisme historique !

L’article montre une photo de Leclerc, son inséparable canne à la main, qui fait face à un petit groupe de Waffen SS français prisonniers. La légende dit : « …Avec chagrin mais sans pitié, Leclerc va les faire fusiller : ces 12 rescapés de la « Charlemagne » ont été capturés le 8 mai 1945 par la 2ème DB. Le général Leclerc les accuse d’avoir revêtu l’uniforme allemand. Il s’entend répliquer que lui-même sert sous l’uniforme américain. Une insolence et un défi qui leur vaudront d’être fusillés… ».

Le récit de ce crime de guerre, sur internet, n’a pas soulevé la moindre indignation :

« Une douzaine de recrues, issues de la Charlemagne, se rendent aux troupes américaines qui les livrent le 6 mai à la 2ème DB du général Leclerc, cantonnée à Bad Reichenhall. Les prisonniers sont interrogés par Leclerc en personne. Le lendemain, ou le surlendemain, ils sont fusillés sans jugement et sans que les autorités du GPRF (7), informées de leur capture, aient été tenues au courant de cette décision. La responsabilité de Leclerc dans cette exécution sommaire a été évoquée, sans qu’il soit possible de déterminer avec certitude si la décision a été prise par le chef de la 2ème DB en personne.

Les corps sont abandonnés sur place, sans sépulture, par les Français, et enterrés plus tard à la hâte par les Américains… ». C’était le 8 mai 1945, jour de la reddition de l’Allemagne …

Dans son roman « Un héros très discret » (8) Jean-François Deniau tente d’enjoliver cette histoire : le lieutenant-colonel Dehousse, faux résistant et faux héros, fait fusiller des jeunes Waffen SS pour leur épargner un procès infamant et pour que leurs familles les croient morts « pour la France ».

La vérité est moins glorieuse : on n’a même pas jugé utile de les enterrer. Il faudra attendre… 1949 pour que – à la demande de la famille d’un des fusillés – leurs corps soient exhumés et placés dans une tombe commune au cimetière de Bad Reichenhall.

Les gens qui ont une sensibilité à géométrie variable – et Dieu sait s’ils sont nombreux ! – vont arguer que ces Français qui trouvaient la « peste rouge » bien pire que la « peste brune » étaient des salopards ; qu’ils ont choisi leur camp – celui du mal – et que leur camp a perdu. Ce n’est pas faux !

Alors, pour conclure, je leur propose un autre crime de guerre, plus récent, plus abject et qui vient encore ternir la belle image du gaullisme.

Souvenons-nous du massacre d’une foule de « Pieds noirs », le 26 mars 1962, rue d’Isly à Alger. Ce jour-là, une section de Tirailleurs a tiré à l’arme de guerre sur une foule désarmée qui venait, avec femmes, enfants, vieillards, dire son attachement à l’Algérie française et son rejet des Accords d’Evian (signés le 18 mars). Des soldats français ont tiré sur des Français désarmés !

Je tiens, du général putschiste Edmond Jouhaud en personne (9), un fait qui en dit long sur la volonté gouvernementale de mater les partisans de l’Algérie française : lors de la manifestation du 26 mars 1962 (source émanant du colonel Goubard, chef de corps du régiment dont une section a tiré sur les manifestants), il a été tiré 1135 cartouches de P-M, 427 de fusil, 420 de fusil-mitrailleur :

1982 cartouches d’armes de guerre sur une foule pacifique dont le seul tort était de vouloir rester française. Bilan : 80 morts et plus de 200 blessés.

Pour ces victimes innocentes, pas de commémorations, pas de plaques du souvenir, pas de discours pleurnichards, pas de « marches blanches » : Ils étaient français d’Algérie et ils aimaient viscéralement la France. Mais il est vrai que, pour Macron, leur seule présence en Algérie était un « crime contre l’humanité » or, depuis le procès de Nuremberg (du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946) nous savons que le crime contre l’humanité est bien pire que le crime de guerre. CQFD !

L’avorton présidentiel aime à se comparer à De Gaulle (et à Mitterrand). A la réflexion, ils ont au moins un indéniable point commun : le cynisme.

 

 

Notes :

1)- Division d’Infanterie Nord-Africaine.

2)- « Un pont sur la Loire » de Frédéric H. Fajardie ; Table ronde ; 2002. Le gauchiste Fajardie sait de quoi il parle, étant lui-même ancien combattant de…mai 68.

3)- « Mythes et Légendes du Maquis » ; Muller ; 2019.

4)-: « Le rêveur casqué » de Ch. de La Mazière; Laffont ; 1972.

5)-: « Le rêveur blessé »; De Fallois; 2003.

6)-: Division de Waffen S.S. français qui succéda à la LVF, « Légion des Volontaires Français contre le Bolchevisme ». Il faut lire Jean Mabire ou Saint Loup (nom de plume de Marc Augier) pour connaître l’histoire, l’épopée de ces soldats oubliés qui, contre les Soviétiques, ont souvent servi de « chair à canon » aux Allemands.

7)- Gouvernement Provisoire de la République Française.

8)- « Un héros très discret » Olivier Orban ; 1989. Excellent roman dont Mathieu Kassovitz a fait un mauvais film en 1996.

9)- Le général a également communiqué ces chiffres dans son livre « Serons-nous enfin compris ? » Albin Michel ; 1983.

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