Par Franck BULEUX

 

François Hollande a permis le vote par le Parlement de la loi du 17 janvier 2015. Cette loi établit le nombre de régions métropolitaines à treize et ne reflète pas toujours, loin de là, les particularismes territoriaux mais mon propos se limitera à la Normandie, enfin réunifiée depuis cette date.

La proximité parisienne de la région aux Léopards (présents sur le drapeau) a toujours servi à des politiques, aux ambitions nationales, de s’implanter relativement facilement (le Normand vote facilement pour les horsains) tout en bénéficiant d’une aura nationale. Le « parachutage » a « donné » (sic) à la Normandie de nombreux élus parisiens, à droite comme à gauche, citons quelques exemples emblématiques : Laurent Fabius, élu dès 1977 dans la banlieue socialiste de Rouen (le PS lui offrit, en 1978, une des circonscriptions les plus « socialistes » de France…), Jean-Louis Debré qui, malgré sa défaite de 1978, s’implanta en 1986 grâce à la proportionnelle (pour le fils du père du scrutin majoritaire à deux tours, c’est un paradoxe peu relevé…), André Fanton, le gaulliste dont Paris et Poitiers ne voulaient pas s’implanta à Lisieux, Ladislas Poniatowski, toujours sénateur venu dans l’Eure après s’être essayé contre les communistes à Nanterre et malgré une défaite aux législatives, dans l’Eure, comme Debré, en 1978…

En 2021, c’est la perspective des élections régionales (les deuxièmes avec la Normandie unie) qui tend à rendre nerveux les cadres des partis politiques et, plus particulièrement, ceux de La République en marche (LRM), toujours en quête d’implantation locale après l’échec des municipales sur le plan national.

À l’inverse des Debré, Fanton, Fabius et Poniatowski cités précédemment, LRM débauche des élus, socialistes ou libéraux (LR) et les promeut très vite à la tête de ministères, à Paris. Parfois, on pourrait parler de « carrière éclair » mais LRM est en quête de cadres… Ainsi, LRM a la chance, en Normandie, d’avoir des « têtes », le plus souvent issus des Républicains ou de leurs anciens alliés.

Ne soyons pas démagogues, le maire du Havre, non adhérent à LRM mais ancien Premier ministre va conserver son mandat local et, loi sur le non-cumul oblige, ne postulera pas à la présidence du conseil régional. En revanche, d’autres candidats sont dans les startings blocs : parmi eux, l’ « élu éclair », Sébastien Lecornu, maire UMP de Vernon, dans l’Eure, entre 2014 et 2015 (un an, quelle formation locale?!…) puis président du Conseil départemental UMP, puis LR de l’Eure de 2015 à 2017, soit deux ans (deux ans, le temps de faire vraiment le tour du poste…). Il fut exclu de LR en 2017 après avoir rejoint le gouvernement Philippe. Lui, contrairement à Philippe, a adhéré à La République en marche et depuis le 6 juillet dernier, il est nommé ministre des Outre-mer dans le gouvernement Castex. Cet ancien assistant (sur sa liste victorieuse en 2014) parlementaire d’un des députés RPR puis UMP les plus à droite de la République, Franck Gilard, formé au Club de l’Horloge et ami de Jean Mabire, dès 2005 (il est né en 1986) touche à tous les mandats, expérimente leur contour sans jamais s’y maintenir. Ce Francilien né dans le Val-d’Oise, très proche du maire actuel de Vernon, représentera-t-il la Normandie pour 6 ans ? Pour lui, 6 ans c’est long… LRM a d’autres possibilités, outre l’« élu-éclair », il y a Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation dans le second gouvernement d’Édouard Philippe et député de la Manche, qui, lui, vient du Parti socialiste (PS). Entre l’ambitieux Lecornu et l’enraciné Travert, ancien frondeur socialiste (de gauche) au temps de Manuel Valls, LRM a le cœur qui balance entre l’est et l’ouest de la région.

On le voit, le « en même temps » est de rigueur en Normandie, un Lecornu ou un Travert, l’un ou l’autre sous l’œil bienveillant du maire du Havre, qui rappelons-le, est la commune la plus peuplée de la région. 

Face à cette OPA de LRM, malgré son lourd échec à Rouen lors des municipales (17 % au premier tour et aucun élu au second puisque son « leader », propriétaire de Paris-Normandie, a abandonné entre les deux tours, prouvant son incapacité politique à subir une défaite), la Normandie pourrait, mathématiquement parlant, s’offrir à la gauche socialiste et écologiste, avec le soutien des communistes, qui ne manquent jamais de figurer sur des listes d’union pour conserver des sièges en souvenir de l’ancien directeur de L’Humanité, qui fut député de Rouen, Roland Leroy. 

Bien évidemment, des voix s’élèvent en Normandie pour éviter à la fois la gauche, dont les cadres, comme le maire actuel de Rouen, étaient le plus souvent opposés à la réunification : une voix (voie ?) libre comme celle de Michel Onfray, domicilié à Caen, pourrait apporter du sang neuf et développer l’idée régionale (en matière de développement des compétences par exemple). D’ailleurs, à ce sujet (essentiel pour les régions), le président actuel, Hervé Morin, gestionnaire sérieux de centre droit, n’a pas démérité mais il lui faudra affronter des machines électorales et, en Normandie, LR a beaucoup souffert de la présence de LRM avec les présences au sommet de l’État d’Édouard Philippe, de Sébastien Lecornu mais aussi, ne l’oublions pas, de Bruno Le Maire, élu député d’Évreux depuis 2007, avant d’être un des ministres les plus écoutés de Macron. De plus, les scores élevés aux élections régionales du Rassemblement national (RN), 28 % pour la liste Normandie bleu Marine en décembre 2015 emmenée par l’eurodéputé Nicolas Bay, également vice-président du groupe Identité et démocratie à Strasbourg, sont autant d’atouts pour éviter la victoire de La République en marche même si les divisions politiques, malgré des volontés communes sur la bonne marche de la région, seront peut-être trop pesantes. 

Quoi qu’il en soit, la région normande doit rester unie, en évitant par exemple l’attrait de la métropole rouennaise pour l’Île-de-France ou la mise en valeur d’un « axe Seine » qui ne serait qu’une opération d’extension de la région parisienne jusqu’au Havre, devenu port de la capitale… Pour ce faire, il ne semble pas que les mieux placés soient les hommes du pouvoir ou la gauche rouge-rose-verte.

 

Au-delà de ce choix biaisé, des forces doivent proposer une alternative politique régionale.

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