D’après Yves Ronsse
Les chefs des gouvernements socialistes du Portugal, de l’Espagne et de l’Allemagne ont signé une tribune contre Le Pen. Voici ce que cela révèle.
Mesdames et messieurs les Français, vous avez les félicitations de Antonio Luis Santos da Costa, de Pedro Sánchez Pérez-Castejón et d’Olaf Scholz, et vous ne serez donc pas sanctionnés par Ursula von der Leyen comme de simples pays africains.
Dans un mouvement tout à fait inédit sur le plan diplomatique, les chefs des gouvernements socialistes du Portugal, de l’Espagne et de l’Allemagne ont exercé leur « devoir d’ingérence » en intervenant dans les élections démocratiques d’un autre pays de l’Union Européenne (UE), et pas des moindres, la France : ils ont sommé les électeurs français de « bien voter » et de rejeter la candidate que la gauche réprouve.
Bien sûr, en tant que personnes privées, ils ont droit à leur opinion, comme tout un chacun. Mais ici, c’est en tant que représentant de leur pays et forts de leur autorité gouvernementale qu’ils ont fait une recommandation sur le mode impératif : ils tenaient à envoyer aux nationaux de ce tiers pays un signal haut et clair ! Dieu sait quelle catastrophe attendait l’Union européenne, si les Français, faisant fi de toute « morale démocratique » élisaient, oh horreur, une candidate qui leur déplaisait fortement et qui, c’est évident, menaçait le consensus européen.
Dans une tribune parue dans Le Monde , ce canard toujours prêt à abriter les indignations sélectives de la gauche, ces messieurs, faisant fi de toutes les règles diplomatiques internationales, se prononcent, contre « une candidate d’extrême droite qui se range ouvertement du côté de ceux qui attaquent notre liberté et notre démocratie ».
Il leur fallait donc se joindre à tout ce que la France compte de politiquement correct : artistes, sportifs, journalistes, professeurs d’université, intellectuels de gauche, politologues de plateau… et leur apporter un soutien franc et massif. Celui-ci a donc été décisif et nul doute que ces valeureux défenseurs de la démocratie se félicitent de l’heureuse influence qu’ils ont eue sur le résultat de l’élection, même si, au fond, en tant que chefs d’État, ils n’avaient pas à s’en mêler…
La démocratie en Europe et ses donneurs de leçons
D’aucuns, certainement des esprits mal tournés, pourraient voir dans cet épisode un nouvel avatar de la dégradation de la démocratie en Europe. En effet, cette dernière est déjà mise à mal au sein même des nations qui se revendiquent encore comme des démocraties libérales, mais ici c’est un nouveau pas qui est franchi et qui prouve la mainmise de la bien-pensance de gauche au niveau supranational, tout particulièrement dans l’Union européenne.
Au sein de chaque nation, le combat perpétuel entre la liberté et le despotisme se poursuit, mais le poids toujours plus grand de l’État-providence et celui de la caste des intellectuels de gauche qui contrôlent la majorité des médias, font de plus en plus pencher la balance vers un despotisme mou, qu’avait bien pressenti Alexis de Tocqueville.
Ce n’est pas que le système démocratique soit exempt de défauts. En effet comme le démontre très bien Thomas Sowell dans son livre Knowledge and Decisions, ce qui est important dans tout processus de prise de décision, ce sont les mécanismes de rétroaction (feedback) capables de faire corriger la décision si celle-ci se révèle mauvaise.
En politique, ce mécanisme de rétroaction souffre de nombreux défauts :
- il est flou quant aux objectifs au moment du choix des représentants : l’électeur est forcé d’opter pour le programme complet (package deal) du candidat qui a sa préférence même si certains aspects du programme lui déplaisent ;
- il est éloigné dans le temps : l’horizon de temps des représentants les amène à privilégier le court terme au détriment de l’intérêt à long terme de l’électeur et de la nation, et l’effet des décisions prises n’apparait qu’à la longue, lorsque le représentant n’est plus punissable.
Toutes ces caractéristiques sont encore amplifiées au niveau de la gouvernance internationale, et on le voit tout particulièrement bien dans le cas de l’Union européenne.
Un des moyens de contourner la démocratie à l’intérieur d’un pays est de conférer des pouvoirs et des moyens importants, voire discrétionnaires, à des organes n’ayant pas de responsabilité démocratique. On a vu par exemple en France et en Belgique se multiplier ces administrations, agences ou comités, avec les meilleures intentions du monde : pour résoudre « un problème de société » (le ministère de l’Égalité hommes-femmes) ou une crise (covid : le conseil sanitaire), et hop, on crée une entité ad hoc. La conséquence est que ces organes non soumis au jugement démocratique deviennent souvent des entités autonomes dont le souci principal est de se perpétuer en réclamant toujours plus de moyens.
Ces organismes sont souvent instrumentalisés, voire colonisés par des minorités agissantes, dont l’écologisme n’est pas la moindre (la Conférence Citoyenne pour le Climat). Ils ont bien compris que l’entrisme dans ces organismes leur permettait de pousser leur agenda bien plus efficacement qu’en passant par la case du suffrage démocratique : il suffit d’avoir barre sur quelques hommes politiques influents capables, sous couverts de beaux principes, de les créer et les doter généreusement. Dans nos États Providence, ceux-ci ont tendance à se multiplier comme une gangrène. C’est ainsi que lors des élections présidentielles, le parti écologiste qui ne fait pas 4 % arrive pourtant à ce que l’intégralité de la classe politique se comporte comme des écologistes, au point qu’Emmanuel Macron lui-même reprend l’idée de planification si chère à la gauche et en particulier à Jean-Luc Mélenchon.
Cette technique est particulièrement en évidence au niveau supranational, comme on le voit dans l’UE (Commission, Parlement, Cours de justice…), avec la circonstance aggravante que ces organes sont encore plus éloignés dans le temps et dans l’espace de tout mécanisme de rétroaction démocratique. Ils servent en outre de point d’atterrissage confortable permettant de recycler les hommes politiques nationaux ayant fait leur temps. Il se forme une caste de décideurs internationaux qui progressivement, par le biais de réglementations, finissent par vider les démocraties des États-nation de tout pouvoir d’action.
Si un État-nation se rebelle, on le mettra vite au pas en évoquant une règle supranationale qui lui liera les mains, et s’il ose passer outre, voulant donner la priorité à son droit national par rapport au droit communautaire, la caste cherchera à l’abattre financièrement ou économiquement via des sanctions ou en l’excluant des programmes d’aide. Actuellement dans l’UE, deux États-nations sont particulièrement visés : la Pologne et la Hongrie, dont les peuples ont mal voté en élisant démocratiquement des représentants qui déplaisent à l’intelligentsia qui constitue cette caste européenne.
L’État de droit menacé en Hongrie… et en Espagne
L’ironie veut qu’au moins un des trois donneurs de leçon dont il est question au commencement de cette tribune, à savoir le sieur Pedro Sanchez, Premier ministre du gouvernement socialiste espagnol, est en train de commettre dans son pays des atteintes à l’État de droit bien pires que celles attribuées à Victor Orban en Hongrie, et ce sans que la Commission européenne s’en émeuve le moins du monde.
Il se trouve qu’un ami vivant en Espagne m’a envoyé une lettre dont je livre ici un extrait :
« Je pense qu’en Europe, on n’est pas conscient de ce qui se passe en Espagne… Pedro Sanchez s’est fait élire sur un mensonge : il avait assuré avant les élections qu’il abandonnerait son alliance avec le parti totalitaire d’extrême gauche Podemos en nette perte de popularité, mais une fois élu, il n’a rien eu de plus pressé que de reconduire cette alliance qui, en y ajoutant les petits partis indépendantistes (Basque, Catalans…), lui permet de se maintenir au pouvoir avec une maigre majorité et une légitimité quasi-nulle…
C’est un gouvernement socialo-communiste, style front populaire. La Vice-présidente du gouvernement qui se proclame fièrement communiste n’a pas peur de faire des déclarations du style : « La droite et l’ultra-droite – (étant entendu que tous ceux qui se trouvent à leur droite sont des fascistes ou des franquistes) – vous ne gouvernerez plus jamais ce pays et si, par hasard, cela arrivait, vous devrez faire face à des grèves, des manifestations et les rues seront prises par le peuple ». Une vraie démocrate…
En fait, ces gens préparent un changement de société où l’État tout-puissant contrôlerait toutes les ressources pour assurer le bonheur d’un citoyen qu’il aurait éduqué, l’Histoire étant effacée. Fini le droit de propriété. Et ils contrôlent déjà l’information, l’enseignement, l’administration du ministère Public (le Parquet), la santé publique, les soins de santé privés étant marginalisés, recrutent à tour de bras des fonctionnaires politiquement corrects… »
Mais s’agissant de socialistes, la Commission européenne en concordance avec l’état d’esprit général qui règne au niveau supranational, s’interdit toute ingérence dans un pays gouverné par un ami, tandis qu’elle cherche des poux à la Hongrie de Victor Orban.