“Ce n’est pas sans raison qu’on dit que qui ne se sent point assez ferme de mémoire, ne se doit pas mêler d’être menteur”…
Michel Eyquem de Montaigne
Il est normal, il est même sain, que, dans une démocratie, une opposition critique un exécutif et il ne nous choque pas que chaque décision de l’un fasse l’objet d’une éventuelle contre-proposition de l’autre. La majorité qui soutient l’exécutif l’emporte alors et l’opposition comptabilise les griefs qu’elle a ainsi accumulés… dans la perspective de la campagne future de fin de mandature. En jargon sportif, on appelle cela « marquer l’adversaire à la culotte ».
Les raisons de cette charge, au son inimitable de donneurs de leçons d’écolâtre mesquin, sont multiples :
- Il faut contrecarrer un certain triomphalisme de la majorité qui soutient Hervé Morin dressant un bilan (convaincant) des huit premiers mois de mandature, comme en témoigne l’autosatisfaction du président de la Normandie lors de sa rentrée politique de la Fête de la Pomme, d’Epreville-en-Roumois.
- Il faut marquer le coup à propos de l’insolite réunion publique tenue, à Vimoutiers, dans l’Orne, par Valérie Pécresse, à l’invitation de Véronique Louwagie, maire de L’Aigle et des responsables locaux du parti Les Républicains. Réunion à laquelle Hervé Morin n’a, semble-t-il pas été invité… Que s’est-il dit lors de cette réunion ? Nous ne le savons pas – avis aux lecteurs qui auraient des renseignements à ce sujet : nous sommes preneurs ! – Toujours est-il qu’il peut paraître étrange que la présidente d’Ile-de-France vienne faire du « lobbying » dans l’Orne… et nous dirons pourquoi tout à l’heure…
- Dernière raison (et non des moindres) : Hervé Morin et Valérie Pécresse se sont rencontrés récemment et ont discuté du devenir de l’Axe Seine et, surtout, de leur opposition commune à la nouvelle taxe que le Gouvernement veut infliger aux Régions alors que l’Etat n’assure pas l’intégralité du financement des compétences nouvelles. En cela, d’ailleurs, ils sont suivis par l’Association des Régions de France.
Le Mouvement Normand est tenté de répliquer à Nicolas Mayer-Rossignol : « Pas çà et pas vous ! »
- En effet, approuve-t-il la perspective de la nouvelle taxe gouvernementale qui s’abat sur les collectivités territoriales ? Il est vrai qu’en tant que socialiste, NMR est un parangon d’une fiscalité toujours plus envahissante…
- Conteste-t-il la bonne mise en route de la fusion des ex-demi-régions de haute et de basse Normandie ? N’a-t-il pas – comme toute l’unanimité de l’assemblée régionale – voté le principe de répartition des fonctions entre les villes de Caen, de Rouen et, même, du Havre ?
- Est-il satisfait de la déshérence dans laquelle la SNCF (et l’Etat, bien évidemment) a tenu la Normandie, dont les trains sont à bout de souffle, les lignes désuètes, les horaires et le confort de plus en plus incertains, le fret ferroviaire à la dérive ? Hervé Morin et sa majorité veulent faire bouger les lignes – c’est le cas de le dire – en prenant la gouvernance, non seulement des T.E.R. (Trains Express Régionaux), mais aussi des lignes intercités (T.E.T. – Trains d’équilibre du Territoire) : politique ambitieuse, voire audacieuse, qui peut susciter de légitimes inquiétudes, mais qui a l’avantage de sortir d’un immobilisme déprimant, ayant reçu l’aval des dirigeants socialistes ces dernières années.
Que M. Mayer-Rossignol n’accepte pas sa courte défaite est humain (il est jeune), qu’il refuse la sanction des urnes en dit long sur ses conceptions politiques, qu’il travestisse la vérité ou bien dénie les réalités est inquiétant. Inquiétant pour le devenir même de la Normandie dont il conteste en vérité les institutions, le rituel d’un jeu apaisé du débat démocratique.
L’opposition socialiste mérite mieux que cette attitude de roquet.
Didier PATTE
Ancien Président et porte-parole du Mouvement Normand