Par Franck BULEUX

 

La difficulté de porter « deux prénoms » est celle d’être un éternel inconnu. Il est toujours difficile, sauf pour un public initié, de définir le nom et le prénom.

L’homme ou la femme aux « deux prénoms » est un bloc : Émile Louis est un monstre, Jacques Martin, un animateur célèbre, Édouard Philippe, le Premier ministre actuel. Certains, pour différentes raisons, ont changé, passant d’un nom trop « connoté » à un prénom, ainsi Roger Worms, résistant communiste, devint Roger Stéphane. Bref, l’idéal pour passer inaperçu, loin des tumultes du monde. 

Notre Philippe rassure : Édouard nous rappelle Herriot, Balladur, Philippe, Verdun… On le pense Philippe, il est Édouard. On le pense Édouard, il est Philippe.

Ancien du RPR, de l’UMP, de LR… il a su convaincre les partisans de François Fillon en attaquant fermement, durant la dernière campagne présidentielle, « le banquier » Macron puis les partisans de ce dernier, une fois élu président de la République, en ironisant sur le devenir d’un parti conservateur. Était-ce Édouard ? Était-ce Philippe ?

Peu importe. 

Il est visible que l’électorat de LREM, parti du Président auquel Edouard Philippe s’est bien tenu d’adhérer, s’est, depuis les dernières élections européennes (et probablement avant, mais ce n’était pas mesurable électoralement) considérablement « droitisé » ou « embourgeoisé ». Les gauches, écologistes compris, ont retrouvé un certain étiage électoral, mais divisées leur score global est passé inaperçu. C’est ainsi… Le modèle (sic) électoral français permet de revendiquer la victoire avec environ 20 % des exprimés (regarder, à ce sujet, le cas Chirac qui évitait toujours de dépasser ce socle de premier tour…). 

Donc, notre Édouard Philippe, venu de la droite (même s’il a fréquenté les clubs rocardiens dans sa jeunesse, mais Michel Rocard avait quitté, alors et depuis longtemps, le PSU…), dirige le gouvernement d’un Président contre lequel il a milité et voté (au premier tour, bien entendu…) et ne rejoint pas le mouvement porteur, « En marche ». C’est son droit, si le président Macron n’y voit aucune objection. Je ne parle pas de la majorité parlementaire, totalement inféodée au président élu, tendance accentuée constitutionnellement depuis la réforme du quinquennat (une opération néo-gaulliste de Chirac en l’an 2000).

Édouard Philippe n’a pas, non plus, adhéré aux pseudopodes « de droite et du centre » qui roulent pour Macron et qui sont de plus en plus nombreux. Les plus importants et connus sont le Mouvement démocrate (MoDem) de François Bayrou et AGIR, le parti de la droite constructive, créé fin 2017, du ministre (oui, oui…) Franck Riester. Il est à noter que la représentante du Havre dans la circonscription où fut élu le Premier ministre, est responsable de ce mouvement, un signe ?

Ainsi, la majorité de l’électorat de LREM s’identifie plus et mieux au parcours d’Édouard Philippe qu’à celui de l’ex-socialiste Macron. Édouard rassure, Philippe s’arme.

Édouard Philippe a la confiance de la « droite économique », de ce que la France comprend de plus immobile (« dans la réforme »).

Demain, si monsieur Philippe estime, à l’instar d’un Chirac en août 1976, qu’il n’a plus les moyens de mettre en place sa politique, qui nous dit qu’il ne formera pas une forme de mouvement réformateur compatible avec l’électorat majoritaire ? 

Il est le fidèle de Macron, il peut devenir son principal concurrent.

Ah, bien sûr, les « deux prénoms » gênent toujours une ascension. Votre prénom, c’est Édouard, c’est juste ? Qui le sait ?

Janus était le dieu romain des commencements et des fins, de l’alpha et de l’oméga.

Qui est réellement Edouard Philippe ?

Le changement dans la continuité ? Mais ce slogan vous dit quelque chose… Giscard l’utilisait pour balayer les gaullistes en 1974, avec lesquels il gouvernait. Son succès, du moins à cette époque, fut patent. On ne fait pas de neuf avec un vieux prénom. Et puis, qui est plus Français que lui ?

 

Le président Macron n’a qu’à bien se tenir, un homme aux deux prénoms en vaut deux.

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