Llorenç Perrié Albanell, président de Resistència

 

        Encore un coup dur pour le souverainisme catalan. Après Carme Forcadell, présidente indépendantiste du Parlement autonome de Catalogne, poursuivie pour « désobéissance » pour avoir permis le vote d’une feuille de route en faveur de la mise en place d’un processus d’indépendance pour la Catalogne en octobre dernier, c’est au tour du président de la Generalitat de Catalunya, Carles Puigdemont, ainsi que d’autres responsables politiques catalans d’être « rappelés à l’ordre » par le Tribunal Constitutionnel. Ce dernier leur demande de faire leur “devoir d’empêcher ou de paralyser toute initiative qui suppose d’ignorer ou d’éluder la suspension” du référendum.

        Le Tribunal Constitutionnel oublie un détail de taille, Carles Puigdemont a pris ses fonctions en début d’année avec une feuille de route claire : mettre en place les institutions nécessaires à l’indépendance de la Catalogne au deuxième semestre 2017. Nommé pour accomplir cette tâche, il a déclaré à maintes reprises vouloir organiser cette consultation, avec ou sans l’autorisation de Madrid.

        Une fin de non-recevoir ?

        Rappelons que l’ancien président de la Generalitat, Artur Mas est actuellement poursuivi par le Tribunal Constitutionnel espagnol pour “désobéissance”. Il avait organisé en novembre 2014 une consultation symbolique sans valeur légale, dont voici le détail :

        Consultation du 9 novembre 2014. Premièrement, quelle était la — ou les — question(s) posée(s) le jour de la consultation ? Questions posées en catalan et en castillan : Souhaitez-vous que la Catalogne devienne un Etat ? Oui ou Non ? En cas de réponse positive, souhaitez-vous que cet Etat soit indépendant ? Oui ou Non ?

        Les résultats sont les suivants: La Catalogne compte 7.553.650 habitants, et 5 318 296 inscrits. Pour cette élection 2 305 290 de votes exprimés ont été comptabilisés.

-OUI (à la première question), OUI (à la deuxième question) : 1 861 753 soit 80,76 % OUI.
-NON : 232 182 soit 10,07 % NON : 104 772 soit 4,54 %
-OUI: Blanc : 22 466 soit 0,97 % Blanc : 12 986 soit 0,56 %

-Autres : 71 131 soit 3,09 %.

        Nous devons compter parmi les inscrits, les abstentions, et les votes blancs ou négatifs, hormis les incontournables opposants, une population de plus en plus nombreuse en Catalogne, les immigrés, qu’ils proviennent des autres régions espagnoles, qu’ils soient intra ou extra-européens. Nous noterons donc que 91, 80 % des exprimés, soit 2 116 401 électeurs se sont déclarés en faveur de la création d’un Etat catalan.

        Quelle conclusion pour le moment ?

        Un système politique se durcit lorsqu’il se sent menacé. Nous avons actuellement un exemple patent en France, il semblerait que le système politique espagnol ne soit pas épargné non plus. Sa crispation vis-à-vis de ce qu’il convient d’appeler « la question catalane » en dit lourd sur le manque de confiance qu’a le système envers lui-même. Sa fermeté apparente sous couvert de constitutionnalité sert à masquer un échec notoire en matière de pluralité identitaire au sein “des Espagnes”. L’Angleterre, la perfide Albion, s’est montrée moins frileuse et plus inventive en 2014 avec l’Ecosse et son référendum d’autodétermination.

        Madrid, pour sa part, refuse résolument l’option du référendum d’autodétermination, invoquant la Constitution qui prévoit qu’aucune région ne peut organiser un référendum sur un sujet qui concerne l’ensemble des Espagnols. Or un référendum d’autodétermination ne concerne pas tout le monde, mais uniquement le peuple qui aspire à la liberté politique. Ce qui est dans la logique des choses.  Cette logique intègre le fait que seul le peuple catalan doit être à même de décider sur son devenir collectif. Ce qui signifie que les autres régions autonomes, ou la population immigrée vivant en territoire catalan, n’a pas son mot à dire. Autrement dit, seule une ligne authentiquement nationaliste et résolument identitaire pourra mener ce combat décisif sans aucune complaisance avec un pouvoir central qui fait la sourde oreille et qui aurait pu trouver une issue honorable. La Déclaration Unilatérale d’Indépendance semble être la seule option après consultation populaire.

        Question : le président de la Generalitat et les membres du Parlement sont-ils prêts à encaisser le choc ?
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