D’après Antonin Campana

 

Le taxi nous avait laissé, ma femme et moi, au milieu de cubes de bétons, des tours et des barres percées d’étroites lucarnes qui laissaient filtrer des lumières jaunes ou blanches. La nuit était déjà tombée. Des groupes de jeunes étaient au pied des immeubles. On entendait leurs bruyants palabres, des ballons qui tapaient sur les murs, des aboiements de chiens, les cris des enfants et surtout, nous semblait-il, tant nous avions envie de passer inaperçus, le bruit que faisaient nos valises à roulettes sur les dalles disjointes des coursives. Intérieurement, je maudissais l’ami qui nous avait réservé un appartement dans un tel endroit. Nul besoin d’avoir fait un master en sociologie pour constater que nous étions sans aucun doute les seuls Français.

Je vous passe la remise des clés de l’appartement, la vieille dame qui nous explique que nous étions au second et que « nous avions de la chance » car il est préférable de ne pas prendre l’ascenseur, qui tombe souvent en panne. Elle nous a bien averti qu’il ne fallait surtout pas toucher aux portes intérieures de l’engin, car cela avait la vertu de le bloquer entre les étages !

De notre appartement nous avons fait la photo ci-contre.

Le lendemain, nous avons, ma femme et moi, entrepris de visiter la cité où nous allions habiter pendant six longs jours. Je ne vous cache pas notre désappointement. En journée, les bâtiments paraissaient encore plus délabrés que la nuit. Tout était gris, tout était terne, tout manquait d’entretien, tout respirait la pauvreté, si ce n’est la misère. La cité fourmillait de recoins et de passages obscurs qui devaient être de véritables coupe-gorges. Le béton omniprésent se désagrégeait et laissait voir sa ferraille. L’herbe poussait dans l’encoignure des marches. Le parterre des lieux destinés aux enfants, aux jeux depuis longtemps disparus, était à l’abandon. Les passages étaient parsemés de trous et d’obstacles. Tout sentait le bricolage et le rafistolage avec les moyens du bord.

Plusieurs milliers de personnes habitent dans cette cour des miracles et y vivent, nous l’apprendrons de notre ami, avec moins de 500€ par mois ! Pour un peu, en se laissant aller, on aurait, ma femme et moi, adhérés au récit pleurnichard que la gauche tient sur les banlieues. Comment en effet ne pas établir une relation entre cette pauvreté évidente et la délinquance ? Comment, dans de telles conditions, une cité, visiblement livrée à elle-même et abandonnée de tous, pourrait-elle ne pas devenir une zone de non-droit ? Ici, pas de services sociaux pour prendre en charge les jeunes, pas de maison de la culture, aucune « politique de la ville » pour continuellement entretenir, réparer, rénover les bâtiments. Aucun assistanat. Rien à voir en effet, de quelque point de vue que l’on se place, entre cette cité et toutes les autres cités, qu’elles soient du 9-3 ou d’ailleurs !

Et pourtant !

Et pourtant, nous avons aussi visité la cité de nuit et nous n’y avons vu aucun point de deal, aucun check-point. Les groupes de jeunes dont nous parlions étaient des jeunes qui vous disaient « bonsoir » en vous croisant. Jamais nous n’avons perçu la moindre agressivité, ni même le plus petit soupçon d’impertinence. Des jeunes filles en jupes traversaient paisiblement les passages les plus sombres. Elles se parlaient joyeusement. Dans le parc, des personnes âgées promenaient tranquillement leur chien à côté des enfants qui jouaient. Aucun bruit de moteur, aucun rodéo urbain, aucune voiture qui brûle, aucun dealer. Nous avons même vu, alors qu’il faisait déjà nuit, et cela à deux reprises, deux agents du « Parking Service », dont une femme, mettre des amendes à des voitures mal stationnées au pied d’une barre d’immeuble. Ils ont fait leur travail en toute quiétude, en pleine cité, gyrophares allumés, devant tout le monde, et sans l’appui d’une compagnie de CRS ! Le soir, nous allions dans les cafés de la cité et avons toujours été sympathiquement accueillis. Il y avait des hommes et des femmes, des vieux et des jeunes adultes. L’ambiance était agréable.

Généralement, vers 22h30-23h, le parc et les coursives se vidaient. Chacun rentrait chez soi et la cité restait silencieuse jusqu’au lendemain matin. En six jours, nous avons renouvelé nos visites de jour comme de nuit, en faisant toujours le même constat : la cité n’était pas « sensible », au contraire et paradoxalement, elle était très « paisible ».

Nous avons parlé plus haut de « cour des miracles ». Cette fausse impression se dégage rapidement pour peu que l’on s’immerge véritablement dans cet espace. Au contraire, vous éprouvez une sensation de paix et de sérénité et vous percevez même une certaine douceur de vivre, dont les habitants n’ont peut-être pas conscience. A aucun moment, vous n’êtes sur le qui-vive. Rapidement, vous sentez que vous ne craignez rien, que vous pourriez facilement vous installer dans la cité et vous y faire des amis. Les chiffres sont d’ailleurs sans appel : ici, il n’y a aucun viol, il n’y a aucune voiture brûlée et le taux de délinquance avoisine les 0%. Pourtant, mis à part ma femme et moi-même durant ces six jours, qui ne furent pas si longs, je remercie mon ami de nous les avoir offerts, il faut admettre qu’il n’y a dans cette cité aucun Français !

En fait, il n’y a aucun Français… mais il y a 100% d’autochtones ! Les sociologues gauchistes devraient la visiter : ils apprendraient que la nature de la population compte plus que la nature de l’habitat.

Car, vous l’aurez compris, cette cité n’est bien sûr pas en France.

Elle est située en Serbie, à Belgrade exactement.

Son nom est aussi dur qu’elle est attachante.

Elle s’appelle le « Blok 23 » !

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