audin

 

Le billet d’Eric de Verdelhan

 

« La lâcheté se cache sous le masque d’une écriture empruntée. »
(Raymond Brucker : Les intimes (1832)

 

 

Le moins que l’on puisse dire c’est que la récente visite d’El Narcissio à la veuve du « porteur de valises » Maurice Audin ne semble pas trop émouvoir la « Grande Muette ».

On s’attendait à une violente colère des Légions, à des réactions indignées, à une avalanche de courriers, de mails, d’articles virulents dénonçant la dernière foucade de l’avorton présidentiel, fustigeant sa morgue, son arrogance et sa capacité à insulter le pays qui l’a élu. (Certes mal élu : élu par défaut mais élu quand même !)

Or à quoi assistons-nous ? A RIEN : soit à une chape de plomb – l’Omerta totale sur le sujet – soit à une bouillie-de-chat sémantique visant à minorer, à excuser ou pire, à justifier l’insulte faite à l’armée par le Chef de l’État (et Chef des Armées) soi-même.

Notre pays compte environ 550 généraux en activité et plus de 5.0001 en « 2ème Section », et, une petite dizaine a osé s’exprimer, souvent trop timidement et dans un style suffisamment édulcoré pour ne pas s’attirer les foudres du pouvoir.

Mille fois merci au général Dary qui a sauvé l’Honneur en disant son fait – poliment mais fermement – au paltoquet qui vibrionne à l’Élysée2.

Car « en même temps » comme dirait Jupiter, quelques crevards – communistes, gauchistes, ex-fellouzes ou adhérents de la FNA-CACA- se répandaient dans les journaux et sur les radios pour dire haut et fort que la torture n’était pas le fait de « toute l’armée » mais de quelques unités : les paras et la Légion, entre autres.

Et les mêmes, ou leurs « idiots utiles », demandaient à El Narcissio d’aller encore plus loin dans la reconnaissance des crimes commis par l’armée française.

On attendait (on espérait) autre chose, des présidents d’associations patriotiques, que des courbettes ou un « à-plat-ventrisme » servile devant l’arrogance jupitérienne.

En matière de « langue-de-bois », la palme revient sans doute au président d’une association de parachutistes. Nous l’appellerons « général Perdrix », primo, par charité, pour ne pas le désigner à la vindicte populaire ; secundo, parce que « général  Faisan » serait une insulte à son honnêteté; tertio parce que «général Dindon » ferait immanquablement penser à celui de la farce, or,  dans cette pitoyable farce, les dindons… c’est nous !

Le général Perdrix, donc, vient d’écrire à ses ouailles au sujet de l’affaire Audin :

«…Bien que n’ayant pas été directement nommés dans la déclaration présidentielle3 les anciens paras de (notre association) tiennent à se manifester dans une démarche crédible et commune. Notre association…a donc participé à la rédaction et à (sic) contresigné la lettre adressée par le général Dary… au Président de la République… La sagesse nous commande de rester dans le cadre de cette initiative commune. Toute surenchère ne saurait qu’amplifier les douleurs toujours présentes de nos frères d’armes ayant connu cette époque, et serait naturellement déformée pour une récupération politique … ».

Il prend ses adhérents pour des lapins de six semaines ou des perdreaux de l’année ?

Les paras ne sont effectivement pas « directement nommés » dans les propos d’El Narcissio mais, de grâce, ne prenons pas les enfants du Bon Dieu pour des canards sauvages ! Mais peut-être, après tout, le général Perdrix n’a-t-il jamais entendu parler de la bataille d’Alger ?

Une période trouble durant laquelle Alger, deuxième ville de France à l’époque, aura connu 112 attentats dans le seul mois de janvier (1957). Le brave commissaire Benhamou n’arrivant à rien avec 1.500 policiers, le socialiste Robert Lacoste a donné les pleins pouvoirs (y compris ceux de police) au général Massu qui rentrait de l’ « Opération Mousquetaire » à Suez. Massu, qui étrennait ses étoiles, commandait la 10ème DP : une division parachutiste.

Ses régiments vont tous converger sur Alger. Ce sont des unités solides, éprouvées et remarquablement commandées : Le 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes, commandé par le lieutenant-colonel Mayer, qui couvrira le secteur de Maison Carrée. Le 1er Régiment Etranger de Parachutistes, aux ordres d’une légende vivante des paras-Légion, le lieutenant-colonel Jeanpierre. Il couvre les secteurs du Ruisseau, la Redoute, Mustapha, l’hôtel Saint-Georges. Le 2èmeRégiment de Parachutistes Coloniaux, commandé par Château-Jobert, dit « Conan », puis par le lieutenant-colonel Fossey-François, son adjoint à Suez. Il couvre les secteurs d’Hussein-Dey, Kouba, Bir-Kadem. Le 3ème Régiment de Parachutistes Coloniaux, du légendaire « Bruno » Bigeard ; il couvre Bab-El-Oued…

Une autre unité – le 9ème Zouaves – commandée par le colonel Bargeot, participera aussi à la bataille d’Alger. Le colonel parachutiste Henri Le Mire, assisté du capitaine Graziani, parachutiste lui aussi, dirige le 2ème bureau de la 10ème DP.

Pendant la bataille d’Alger, Audin est arrêté par des légionnaires parachutistes de la section du lieutenant Erulin4, du 1er REP, puis remis pour interrogatoire aux paras du commandant Aussarresses.

Il disparaît le 11 juin 1957 et on ne saura jamais, de façon formelle, s’il a été tué par les gens chargés de l’interroger ou par ses amis du FLN après s’être évadé. Mais après tout, Audin était un traître à sa patrie : la façon dont il est mort n’a pas grande importance !

Alors, on peut toujours faire l’autruche, la tête dans le sable, mais la bataille d’Alger aura été, indéniablement, une affaire de parachutistes. Des paras qui, avec abnégation et courage, ont fait un travail remarquable et ont éradiqué le terrorisme à Alger.

 

Ceci  force le respect et  mériterait  un hommage !

 

Le général Perdrix aurait pu rappeler au paltoquet élyséen :

  1. Que les unités parachutistes et légionnaires  ont eu, à elles seules, plus de la moitié des pertes au feu du conflit algérien, de novembre 1954 à juillet 1962.
  2. Que des officiers de la 10ème DP sont morts pour la France en Algérie : le colonel Jeanpierre et le capitaine Graziani, mais également le capitaine Le Pivain et le lieutenant Degueldre, tombés sous des balles… françaises.
  3. Que d’autres officiers de la 10ème DP ont choisi « les voies de l’Honneur », en avril 1961, pour ne pas livrer l’Algérie au FLN5 : Les colonels Dufour et Château-Jobert, le commandant Denoix de Saint-Marc, les capitaines Sergent et Montagnon…La liste de ces hommes courageux est longue !
  4. Que c’est Massu, dont la position a pourtant été ambigüe sur l’Algérie6, qui a obtenu, en 1968, à Baden-Baden, la promesse d’amnistie et de réhabilitation des « soldats perdus » de l’Algérie française.
  5. Que la bataille d’Alger, enfin, est une bataille incontestablement gagnée par les paras. Dans n’importe quel pays, on honore les héros, on ne salit pas leur mémoire.
  6. Que Maurice Audin, communiste et « porteur de valises », avait choisi son camp : celui des terroristes et des poseurs de bombes d’Alger. Les Harkis torturés, les « Pieds noirs » disparus après les Accords d’Evian avaient choisi, eux, la France…

 

Le général Perdrix, pour ne pas « amplifier les douleurs toujours présentes de nos frères d’armes…» et par crainte d’une « récupération politique » laisse El Narcissio remuer le couteau dans la plaie, pendant que quelques vieux fellouzes se remémorent, avec une joie sadique, l’époque où ils pouvaient « remuer le couteau dans l’appelé (du contingent) ».

Depuis des années, au nom d’un apolitisme bêlant, les associations patriotiques ne montent plus en première ligne pour défendre notre histoire, nos valeurs, notre civilisation qui se meurt, notre identité qu’on assassine.

Pas toutes, j’en conviens, mais la majorité d’entre elles demande à ses membres de se taire, d’obéir, d’avoir la discipline (ou la servilité ?) des moutons de Panurge, « silence dans les rangs ! »: surtout, pas de vagues !

Et, pendant ce temps, l’anti-France avance à visage découvert, sans complexe.

Elle aurait bien tort de se cacher car, au train où vont les choses, dans moins de dix ans, nos anciens d’Algérie seront considérés comme des « criminels de guerre » dans leur propre pays. Certes, beaucoup auront rejoint l’Archange Saint Michel entre temps. Est-ce une raison pour salir leur mémoire (et blesser ou insulter leur descendance) ?

Quant aux associations, elles les soutiendront, je le crains, comme elles le font déjà : Comme …la corde soutient le pendu.

Le général Perdrix a le droit d’écrire ce qu’il veut ; nous sommes en démocratie.

Peut-être pense-t-il, comme Talleyrand – le « diable boiteux »7– que « tout ce qui est excessif est insignifiant », mais, qu’il cesse de nous prendre pour des bœufs.

 

Remémorons-nous ce chant de marche para :

              « Nos anciens ont souffert sur la piste/ Comme des chevaliers et des preux,

              Dans ton cœur, sois le parachutiste/ Toujours prêt à faire aussi bien qu’eux… »

 

Serions-nous capables de faire aussi bien qu’eux ? Je ne le pense pas, hélas !

Mais nous avons le droit et le DEVOIR de les défendre quand ils sont attaqués, quand on tente de les salir, quand on minimise leur courage.

Le « devoir de mémoire » ne peut pas être une surenchère susceptible d’amplifier la douleur des survivants, car rien n’est pire que l’oubli !

 

 

Notes :

1)- Soit l’effectif de l’armée américaine ou de l’ex-armée rouge.

2)- On se souvient qu’il fut un des rares à oser défendre le général Piquemal lors de l’affaire de Calais.

3)- Je souligne intentionnellement.

4)- Le colonel Erulin commandait le 2ème REP lors du Raid sur Kolwezi.

5)- Et/ou ne pas abandonner les Harkis.

6)- On peut en dire autant de celle de Marcel Bigeard.

7)- Celui que Napoléon traitait de « tas de merde dans un bas de soie ».

 

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