Procession

Une réaction de Jean Lacroix (maurrassien du Clapas)

 

        Dès son origine Montpellier vénérait une Vierge bienfaitrice, Notre-Dame des tables. Les marchands et changeurs tenant leur étal (taula en langue d’oc) lui donnèrent par usage son nom. Naturellement, les pèlerins de passage la vénéraient. En 1093, partant occire le Sarrazin en Terre Sainte, Guilhem V, seigneur de Montpellier, se plaça pieusement  sous cette virginale protection  ;  il fit de surcroît peindre sur armure et écu, une devise dédiée. De nos jours les lettres A et V (Ave Maria) ornent encore le blason de la ville. De retour de croisade Guilhem VI amena dans sa nef une Vierge Noire antique qu’aussitôt la population adopta et adora. Plus tard, en 1229, Jacques d’Aragon, fils de Montpellier et héritier des Guilhem, chassa le Maure des Baléares à la tête d’un ost composé de Catalans, de Languedociens proches du Clapas et d’Aragonais. Deux vierges tutélaires guidaient les armes: Notre-Dame des tables et celle de Montserrat. 

        L’an de grâce  1667 vit le fameux Vœu de Louis XIII. Le souverain consacrait le royaume de France à Notre-Dame et instituait, à perpétuité, une procession solennelle tous les 15 août « prenant la très sainte et très glorieuse Vierge pour protectrice spéciale de notre royaume, nous lui consacrons particulièrement notre personne, notre état, notre couronne et nos sujets……. ». Certes le souverain venait enfin d’avoir un fils, le futur Louis XIV, pour perpétuer l’unité du royaume. Mais il voulait surtout, marquer aussi la fin pas si lointaine, des terribles affrontements religieux qui l’avaient marqué à vie. Par exemple, lorsque le 20 octobre 1622 il reprit Montpellier aux Huguenots d’Henri de Rohan, aucune église ne tenait debout, il dut, la mort dans l’âme, se résoudre à ouïr la messe sous une tente. En outre, il constata, navré, que les religionnaires avaient fondu or et argent des statues virginales : il fallait bien du nerf iconoclaste à cette sale guerre. Une Foi, un Roy, une Loi, telle était désormais le salut de la France. La Vierge tutélaire se décline donc d’une façon citadine, régionale ou nationale. La philosophie classique dirait que les trois niveaux sont les accidents de la même essence identitaire. Celle des dieux grecs poliades ou de l’affection fondatrice liant Athéniens et Achéens en général à Pallas Athéna.

        En temps normal, toutes ces raisons suffisent pour célébrer la rituelle procession montpelliéraine du 15 août. Mais à l’heure où vient jusque dans nos murs la religion mahométane conquérante, la cérémonie relève de l’ardente obligation préfectorale  et municipale; alléguant des risques pour la sécurité, les autorités faillirent à la tradition. Cédant au bon vouloir du Sarrazin, elles annulèrent, pour la première fois depuis la terreur révolutionnaire, le saint  cortège montpelliérain  du 15 août. Nous ignorons si ce recul sacrilège est issu d’une ignorance crasse de l’Histoire ou du désir de ne pas avoir d’histoires. Dans tous les cas, il rend compte de la Soumission admirablement narrée par Michel Houellebecq. La toute récente affaire corse et celle du «burkini facho» firent de l’ombre médiatique à ce renoncement.

        Nous savons l’Occident chrétien et tout particulièrement notre France, désenchantés et en proie à un affligeant vide spirituel. Nous déplorons l’abandon de la pratique religieuse et regrettons que l’Eglise, la vraie, ait perdu sa Fille Aînée. Dans notre bonne ville, Saint Anne, lieu de culte le plus haut de Montpellier, sert déjà de hall pour montrer aux « bobos » ébahis de « l’art » dit contemporain. Ainsi nous n’espérions pas la ferveur et l’assistance d’autrefois en cette procession. Nous n’espérions pas entendre la fameuse incantation «entend du haut du ciel le cri de la Patrie» Mais si la procession n’est plus Patrie et moines, qu’elle devienne au moins patrimoine identitaire !

        Cependant, la décision de la puissance publique est grave et très lourde de significations. Car, désormais narquois, le Sarrazin promène dans nos rues ;  les mauresques se voilent résolument ; leurs étals à viande fleurissent ; leurs souks souillent le vieux Plan Cabane où jadis, mon « Reire-Grand » (arrière grand-père en occitan) remisait son âne. Chassé de Constantine en 1962, un cousin par alliance s’installa pâtissier au cours Gambetta : double peine, il fut bouté deux fois par les mêmes. Le Sarrazin des Guilhem et celui plus contemporain sont encore deux accidents d’une essence identique.

        Il importe de montrer la force immémoriale de nos traditions. Louis XIII dut régler une simple guerre, même cruelle, de religion intra muros portant sur des nuances théologiques. En outre, les protagonistes partageaient mêmes culture et vision du monde. Nous pourrions bien connaitre sous peu, un puissant choc de civilisation, avec des ennemis plus distants culturellement.

        Sans réaction du peuple, les A et V du blason clapasien (la ville de Montpellier) deviendront bientôt le triste acronyme “Aux Vaincus”. Et, faute d’arborer fièrement la Vierge protectrice, notre Athéna Nikè languedocienne et/ou nationale pourrait bien, impuissante et navrée, changer de qualificatif. Le Maire cédant au Maure, la Nikè grecque, celle de la victoire, prendrait alors, à même phonétique, une grossière signification nord-africaine…

 

Blason MONTPELLIER-34

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