périodes pré-révolutionnaires

 

Le billet d’Erick Cavaglia

 

Cela fait vingt-huit ans que j’enseigne l’Histoire en lycée et que je traite le chapitre de la Révolution avec mes élèves de classes de seconde.

Au départ, il m’a fallu me réapproprier les tenants et les aboutissants de cette sinistre période dans la mesure où je ne l’avais pas étudiée en faculté, à l’université Paul Valéry. J’ai appris par la suite que la Révolution et l’Empire n’étaient que peu évoqués dans les facultés de Lettres. Fait étonnant pour un moment fondateur de la République. Il semblerait qu’on veuille le cacher.

Cet épisode a été particulièrement difficile à intégrer –compte tenu de son extrême complexité et de sa durée-, dix ans entre la réunion des États-Généraux et le coup d’État de Bonaparte. Ensuite, il s’agissait de le synthétiser afin de pouvoir le rendre intelligible à mes élèves. Ce parcours pédagogique m’a conforté dans mes intuitions relatives à la Révolution française et m’a renforcé dans mes convictions politiques.

Mais, le plus savoureux dans cette affaire est que depuis quelques années, lorsque j’explique les facteurs qui ont conduit à la chute de la Monarchie, j’ai la nette impression de décrire la situation actuelle… à quelques nuances près, c’est ce qui justifie cette intervention.

Je vais tenter en 3 chapitres de mettre en évidence les similitudes entre deux époques que trois siècles séparent mais également les différences fondamentales.

 

Chapitre II – L’ENVERS DU DÉCOR

 

 

1 – Les détenteurs du pouvoir sans pouvoir

 

Louis XVI ne dispose pas d’un pouvoir illimité : il doit se conformer aux principes de L’Eglise catholique- il demeure le Roy très Chrétien. Mais à la fin du XVIIIe siècle, l’Eglise de France est en crise. Les vocations dans le clergé régulier se font plus rares, l’incroyance gagne du terrain jusqu’à la Cour. Louis XV et Louis XVI sont touchés par les idées nouvelles qui ont été introduites à la Cour.

Il est incontestable que la personne royale est moins sacralisée qu’elle ne l’était sous Louis XIV.

Le Roy doit se plier aux lois fondamentales du Royaume en matière de succession. Il doit respecter les privilèges qui ont été octroyés par ses ancêtres aux différentes catégories de Français. Les remettre en cause sans justification valable pourrait déclencher des révoltes jugées légitimes par le peuple français.

La vénalité des charges, introduite à la renaissance, donne une large autonomie aux fonctionnaires et le Roy est obligé de déléguer son pouvoir à des commissaires chargés de les chapeauter – les intendants.

Les forces de police sont insuffisantes, environ 4.000 policiers. En cas d’émotion populaire ou de jacquerie l’armée royale doit intervenir. Surtout, l’insuffisance du réseau routier ralentit les communications. On peut réaliser à quel point l’absolutisme royal était entravé.

En outre, les parlements locaux qui n’étaient que des chambres d’enregistrement des édits royaux s’érigent en centres d’opposition au Roy et à sa politique en se faisant passer pour des défenseurs du peuple alors qu’ils s’opposent à toute atteinte à leurs privilèges.

 

2018 : Le chef de l’État dispose de moyens d’intervention et de réaction qu’aucun de nos Rois n’aurait pu imaginer. Les performances des réseaux de transport et de communication liées à la révolution numérique ont abouti à l’instantanéité des informations qui montent vers les services de l’État et les prises de décision de ce dernier. La police constitue une véritable armée intérieure, environ 250 000 hommes dont l’action est entravée par une justice vénale et politisée qui peut rappeler l’action des nobles de robe qui peuplaient les « cours de justice » d’ancien régime.

Depuis les années 1980, l’application des théories néolibérales anglo-saxonnes et l’accélération du processus de mondialisation qui s’en est suivi, le président a été et s’est dessaisi du pouvoir. Il n’est que le fondé de pouvoir de l’oligarchie mondialiste dont les centres de décision se situent à New-York, Bruxelles et Davos. Il n’est devenu que l’exécutant, docile et consentant, des politiques élaborées au Fonds Monétaire International, la Banque Mondiale, l’Organisation Mondiale du Commerce, l’ONU et ses nombreuses officines, les institutions technocratiques de Bruxelles et leurs relais nationaux comme la commission Attali. Il s’agit de défendre les intérêts du 1% de la population mondiale qui se partage 50% des richesses mondiales.

Les réseaux maçonniques qui se sont mis en place à la veille de la Révolution et qui l’ont orchestrée révolution se sont internationalisés et s’apprêtent à réaliser leur objectif suprême : un gouvernement mondial au service de leurs intérêts et la destruction des nations.

 

 

2 – Une crise endémique des finances publiques

 

1788 : C’est pour remédier à un déficit budgétaire et à un endettement sans précédent que Louis XVI décide de réunir les Etats- Généraux l’année suivante.

Le total des dépenses publiques s’élève à 630 millions de livres dont la moitié (310) concerne le service de la dette, 270 sont des dépenses liées à la diplomatie et à la guerre, (cour : 36).

Les recettes publiques pour leur part, s’élèvent à 504 millions de livres dont 365 fournies par les taxes et impôts indirects. Les finances royales accusent donc un déficit de 126 millions de livres.

Il est à noter qu’il n’existe pas de budget prévisionnel.

Les impôts entrent mal dans les caisses de la monarchie. Cela est lié à une administration fiscale insuffisante et à l’existence de nombreux privilèges fiscaux, qui ne concernent pas uniquement le clergé et la noblesse. Pour pallier ces lourdeurs, le Roy fait affermer l’impôt – il s’agit d’une délégation de compétences étatiques à des sociétés privées. Ainsi la Ferme Générale avance l’argent que doit rapporter la taxe sur le sel- la gabelle- et la perçoit ensuite sur le peuple français en y ajoutant ses frais de fonctionnement et ses bénéfices. Les fermiers généraux sont détestés.

Pour sortir de l’impasse, la solution aurait consisté à « élargir l’assiette du contribuable » c’est-à-dire faire payer l’impôt direct à tous les Français qui en étaient exemptés.

Louis XV et Louis XVI, conscients du problème confient à des ministres des finances la mission de réformer l’impôt : Turgot, Necker, Calonne, Loménie de Brienne. Tous doivent démissionner face à l’opposition des privilégiés et en particulier de la noblesse des parlements. Il faut également dire que les souverains n’ont pas vraiment soutenu leurs ministres face à la fronde.

 

2018 : Le budget de l’État est toujours déficitaire et le poids de la dette ne cesse de s’alourdir – environ 100% du PIB national qui s’élève à 2000 milliards d’euros. Chaque Français doit la coquette somme de 30 000 euros à l’État pour couvrir la dette publique. Depuis Napoléon 1er, notre pays dispose d’une administration fiscale sophistiquée et tatillonne. Pourtant l’impôt est encore plus injuste. 10% des Français fournissent 70% de l’impôt sur le revenu (46% des foyers fiscaux).

Les principales dépenses de l’État concernent les frais exorbitants de fonctionnement de celui-ci en y ajoutant ceux des différentes strates du « mille-feuille » des collectivités territoriales. Le social draine pour sa part 32% du PIB avec 714 milliards –un record mondial- dont la moitié pour financer les retraites. L’assistanat est bien devenu un sport national pour de nombreuses personnes.

Par ailleurs nous assistons à un retour en force des fermiers généraux, les délégations de l’Etat en matière de perception ne cesse d’augmenter : écotaxe, contraventions urbaines, radars… sont autant de substitution à l’Etat qui vont enrichir des sociétés privées affiliées aux « copains-coquins de la ripoublique », ce qui ne va pas contribuer à l’amélioration du pouvoir d’achat de nos compatriotes.

 

 

3 – Une sourde contestation politique

 

1788 : les oppositions à la monarchie dite absolue ne sont pas organisées ni institutionnalisées.

Loges maçonniques, parlements, cercles intellectuels et économiques ne possèdent aucune légitimité pour contester le Roy ou l’Eglise. Pourtant ces différents milieux excitent le peuple et manipulent sa colère.

La violence devient, avant même la prise de la Bastille, une forme de contestation de plus en plus fréquente. On a enregistré 8500 cas de rébellion entre 1660 et 1789, dont le tiers entre 1765 et 1789. Certaines ont été particulièrement violentes comme la « guerre des farines » de 1775 ou « l’affaire Réveillon » en 1789 (une dizaine de soldats tués pour plusieurs centaines d’émeutiers- soit plus que lors du 14 juillet 1789).

 

2018 : Macron et sa « république en marche » ne bénéficie d’aucune assise dans la population. L’arrivée de cette coterie à la tête de notre pays résulte d’un coup d’État médiatico-financier instrumentalisé par Jacques Attali.

Avec 65% d’abstentions aux élections législatives, la récente assemblée nationale ne représente que les bobos des grandes métropoles. Il n’y a plus d’opposition structurée. Les Républicains ne se sortiront jamais de leurs querelles d’ego. Le Ps a été laminé. La France insoumise et surtout son chef de file ont fait, un temps impression, le RN se trouve dans une impasse liée à l’absence de programme adapté à la situation dramatique dans laquelle se trouve notre pays.

Les canaux légaux et classiques d’opposition ne sont plus opérants. On assiste à la prolifération des ZAD (Zone à défendre), les manifestations prennent une tournure toujours plus violente, le nombre des radars routiers sabotés est en constante augmentation. Ce n’est pas encore la révolution, mais les élastiques sont tendus au maximum. Un impôt, un scandale ou un attentat de trop pourrait bien dégénérer.

 

A suivre…                                                                                                                                                    Lire le chapitre I : ICI

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