Les marchands chassés du Temple, peinture de Jean Jouvenet. Église Saint-Martin-des-Champs de Paris. Envoi d’État, 1811.

Un Gaulois réfractaire

 

À près de 60 ans et après avoir eu toute une vie au service de la France où l’on pratiquait plus le « garde à vous ! », il était temps de connaître les dessous d’une « garde à vue ».

C’est une expérience forte et difficile à imaginer sans l’avoir vécue soi-même.

 

Tout commence par une sonnerie et des coups martelés à la porte du domicile à 06h pétantes. « Ouvrez, police ! ». On s’assure que ce n’est pas une plaisanterie ni une escroquerie, on ouvre et, immédiatement, on perd le contrôle des choses.

Les 4 policiers, équipés façon BAC en semi « robocop » font leur travail, efficaces. Ils passent au peigne fin la demeure en professionnels, mettant les mains et les doigts dans toutes les caches possibles. Leurs yeux au laser sont partout. En parallèle l’un deux commence son travail « administratif » (rappel des droits, vérification d’identité, collectes d’information …). 

On appelle une seule personne et son avocat, ce qui est mince pour rassurer tous ses cercles une fois que l’on est embarqué. On s’habille succinctement (jeans et chemise de randonnée, chaussettes noires et baskets, chapelet et lunettes de vue). On est embarqué (avec ou sans menottes, selon la décision des policiers) dans une voiture banalisée et on part vers le commissariat. Il est 07h30 peut être (plus de montre, plus de repère de temps fiable désormais). On est coupé de tout (plus de téléphone).

L’OPJ (Officier de police judiciaire), un des 4 policiers qui ont procédé à la réquisition, poursuit son interrogatoire dans son bureau. Méthodique, humain. Il savait déjà bien des choses, « Big Brother » est une réalité. 

On descend au sous-sol et là on entre dans l’arène véritable de la garde à vue. Porte barreaudée, équipe de policiers de garde, fouille, vidage des poches, prise de photos avec ardoise portant un numéro, de face, profil et trois quart, prises d’empreintes digitales et buccale …

Une douzaine de cellules (2,5 mètres de large, long et hauteur, un banc en béton et bois au fond, une peinture jaune délavé qui a dû en voir des choses, des tags partout), ce n’est ni le Hilton ni la Formule 1. Un éclairage 24h sur 24 pour chaque cellule. Hors cellule, des toilettes communes type film « minight express ». Terrible pour toute femme. Supportable pour tout homme.

On est mis dans une de ces cellules, seul ou non, selon les arrivages. Parmi les arrivages, des personnes saoules, blessées suite à rixe, dépressives, agressives, étrangères … l’humanité dans sa diversité et son côté obscur. C’est un peu l’antichambre de la mort, comme un vaste cercueil, le bruit en plus. Le bruit est permanent dans tous les registres mais surtout ceux désagréables (penser à prendre des boules « Quiès » la prochaine fois, en les glissant discrètement dans le jeans).

Que faire entre deux interrogatoires durant 24 heures ou 48 heures (voire 72 heures) ?

On ne peut ni regarder la télé, ni écouter la radio, ce qui en soi reste plutôt une bonne chose.

On ne peut ni lire, ni écrire, ni dessiner, ce qui est terrible.

On peut et on doit méditer, prier, beaucoup. On a tout le temps pour cela.

On peut faire un peu de sport en chambre (musculation, assouplissement). On peut tourner en rond, comme un tigre en cage. C’est certain, à l’issue : on devient anti zoo de cage, voire anti cirque avec des animaux. Le Bon Dieu a bien créé toutes les créatures pour vivre en plein air, libres.

On peut siffloter sans agacer les autres ni les gardiens. Cela reste un léger moyen de communication discret et amical avec ses camarades incarcérés pour le même motif. Le répertoire militaire ou folklorique est de circonstance.

On peut refuser la nourriture soit pour exprimer sa colère (sorte de grève de la faim, l’arme des pauvres), soit pour perdre quelques kilos de trop et donc rentabiliser ce passage forcé.

Revenons à l’essentiel : la méditation et la prière. 

On se recentre sur les grandes questions existentielles : qui suis-je vraiment, qu’est-ce la vie, à quoi sert l’existence, pourquoi se bat on ?

La foi permet de surmonter cela avec facilité.

On plonge en soi, très profond, loin du tumulte et de l’écume des jours.

On en sort renforcé, calme, serein.

On comprend pourquoi même dans le plus noir des cachots, tout homme peut garder sa dignité et sa valeur. 

On peut essayer quelques gestes de fraternité, proposer au gardien de donner sa part de déjeuner à tel autre détenu, faire quelques gestes amicaux quand on croise un détenu ami, rester bienveillant et souriant. Ce n’est pas la fin du monde, c’est une expérience costaud qu’il faut surmonter avec cran. 

Pour toutes ces raisons il serait bon que toute personne pratique une garde à vue au moins une fois dans sa vie. Tout comme sauter en parachute, faire du cheval, de la moto, l’amour et la plongée, la garde à vue est inoubliable.

De plus, lorsque l’on quittera définitivement ce monde pour l’Au-delà, on aura eu, grâce à la garde à vue, une sorte de SAS en matière de dépouillement et de méditation sur les vraies richesses de l’existence. N’oublions pas que l’on part tous un jour les poches vides (et même sans poches). 

À la sortie de la garde à vue des portes se fermeront, d’autres s’ouvriront. Matière à faire le tri dans ses relations.

À vous de tenter l’aventure (mais pour une cause qui en vaille le coup) !

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