Préférence Corse

        Signée le 24 mai par les présidents des chambres de métiers, de commerce et de l’agriculture ainsi que le STC (le Syndicat des Travailleurs Corses), la charte locale de l’emploi en Corse est destinée à favoriser l’emploi local des corses en Corse.  Il s’agit là de la mise en place de la promesse électorale qu’avaient faite les élus nationalistes de l’île.

Légitimité du processus

        Bien fondée et légitime car émanant du vote populaire corse et de la volonté des partenaires sociaux dans l’ile, cette charte engage ses signataires (une quinzaine d’organismes professionnels et syndicaux l’ont paraphée jeudi dernier à Bastia) à favoriser le développement du marché de l’emploi local. Elle vise également à identifier les besoins pour adapter les formations professionnelles, donner la priorité à l’embauche de Corses ou résidants de l’île, ouvrir des concours régionaux et valoriser la langue corse comme critère de recrutement.

        Concrètement cela veut dire que, quand il y a deux propositions pour un emploi, et à compétence suffisante, les résidents corses seront favorisés. Pour le moment, il ne s’agit là que d’une première étape, la charte n’aura un caractère contraignant que lorsqu’elle fera l’objet de protocoles signés entre les entreprises et les syndicats. Cette dernière étape reste à concrétiser dans le cadre du dialogue local entre partenaires sociaux de proximité.

Réaction et menaces de l’État central jacobin

        La charge de l’État central français ne s’est pas faite attendre, et les menaces du Préfet ont été immédiates. Ainsi, pour le préfet de Corse, donner la priorité à l’embauche de Corses – ou de résidents de l’île – pose un problème de légalité. Dans un courrier daté du 15 mai dernier, Bernard SCHMELTZ rappelle que «toute disposition engageant l’entreprise et visant à favoriser le recrutement ou l’accès à la formation des personnes résidant en Corse ou d’origine corse pourrait être constitutive de l’infraction de discrimination à l’embauche». Avant de poursuivre: «L’implication d’une entreprise dans des actions visant à favoriser ou au contraire à restreindre certains types de recrutement placerait cette dernière dans une situation de forte insécurité juridique et l’exposerait à des poursuites civiles et pénales.

        Le Préfet brandit la menace de l’insécurité juridique ce qui sous entend que l’État central attaquera les entreprises et les embauches conclues en application des dispositions de cette charte. On se demande s’il attaquera les employés corses bénéficiaires de ces contrats.

Un précédent abouti en Nouvelle Calédonie

        Il existe pourtant un précédent du même ordre que l’État central français a validé. Ainsi, selon le Conseil constitutionnel français, « l’accès à l’emploi aux personnes habitant durablement en Nouvelle-Calédonie », à savoir les citoyens calédoniens et les personnes justifiant d’une durée suffisante de résidence, trouve son fondement constitutionnel dans l’accord de Nouméa de 1998 et de sa traduction dans une loi organique en 1999. Le législateur calédonien est donc tenu « de mettre en œuvre ce principe de préférence locale pour l’accès à l’emploi, consacré par l’accord de Nouméa, dans les mêmes conditions pour l’accès à l’emploi dans la fonction publique que pour l’emploi salarié ».

        Deux poids deux mesures donc entre la Corse et la Nouvelle Calédonie, sans parler des autres régions de FRANCE où le débat n’est même pas encore ouvert. D’ailleurs, Jean-Guy Talamoni, dans un discours à l’Assemblée de Corse, a  rappelé qu’une «charte concernant l’île de la Réunion avait été mise en place sans modifier la Constitution française».

        La Ville de Paris depuis début 2016 a, par exemple, signé avec sept groupes une charte de développement de l’emploi local. « Dans cette charte, la ville aide les entreprises à satisfaire leurs besoins en organisant des sessions de recrutement et en échange de cette aide, les entreprises s’engagent à prendre des Parisiens ».

Un exemple pour la Ligue du Midi

        La ligue du MIDI constate le bien-fondé de dispositions de préférences régionales ou locales à l’embauche qu’elle défend depuis des années. En application du principe de subsidiarité qu’elle préconise, la LIGUE du MIDI considère que le vote populaire local et la négociation entre corps intermédiaires au juste niveau où se suscite le besoin d’arbitrage suffisent à fonder la légitimité et la légalité d’un texte de portée locale ou régionale sans que l’État central ait à en connaître.

        La LIGUE du MIDI constate le caractère réactionnaire des “grandes” centrales syndicales françaises qui ont toujours joué un rôle centralisateur dans le débat social, favorisant ainsi la main mise de l’État central sur le dialogue social. La LIGUE du MIDI pointe le rôle néfaste des grande centrales syndicales dans la mise en concurrence sauvage des travailleurs entre régions et entre nations.

        Bien entendu, comme on pouvait s’y attendre, la section Corse du Medef s’est prononcée contre la signature de la charte “en raison des contraintes qu’elle impose aux entreprises”, considérées comme une entrave à la liberté de recrutement, voire une entrave à l’efficacité des entreprises.

        La CGT a adopté une attitude similaire considérant que la mise en œuvre d’une charte pour l’emploi ne réglerait pas le problème de la précarité. Le secrétaire CGT pour la Corse-du-Sud, a déclaré que “le problème de la corsisation des emplois était un faux problème”.

        Au vu des états d’avancements différents du processus en Nouvelle Calédonie où il est intégralement abouti, et en Corse, où il est encore inachevé et contesté par l’État central français, la LIGUE du MIDI pose le constat suivant :

        Ce ne sont que la dureté de la lutte et la détermination des porteurs de réformes régionalistes qui feront reculer ou céder l’État central Français (Voir le combat des Bonnets rouges en Bretagne). Seul le rapport de forces garantit le succès des légitimes besoins de réformes locales et régionales face à l’Etat central, jacobin et réactionnaire.
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