périodes pré-révolutionnaires

 

Le billet d’Erick Cavaglia

 

Cela fait vingt-huit ans que j’enseigne l’Histoire en lycée et que je traite le chapitre de la Révolution avec mes élèves de classes de seconde.

Au départ, il m’a fallu me réapproprier les tenants et les aboutissants de cette sinistre période dans la mesure où je ne l’avais pas étudiée en faculté, à l’université Paul Valéry. J’ai appris par la suite que la Révolution et l’Empire n’étaient que peu évoqués dans les facultés de Lettres. Fait étonnant pour un moment fondateur de la République. Il semblerait qu’on veuille le cacher.

Cet épisode a été particulièrement difficile à intégrer –compte tenu de son extrême complexité et de sa durée-, dix ans entre la réunion des États-Généraux et le coup d’État de Bonaparte. Ensuite, il s’agissait de le synthétiser afin de pouvoir le rendre intelligible à mes élèves. Ce parcours pédagogique m’a conforté dans mes intuitions relatives à la Révolution française et m’a renforcé dans mes convictions politiques.

Mais, le plus savoureux dans cette affaire est que depuis quelques années, lorsque j’explique les facteurs qui ont conduit à la chute de la Monarchie, j’ai la nette impression de décrire la situation actuelle… à quelques nuances près, c’est ce qui justifie cette intervention.

Je vais tenter en 3 chapitres de mettre en évidence les similitudes entre deux époques que trois siècles séparent mais également les différences fondamentales.

 

Chapitre I – UNE PUISSANCE DE FAÇADE

 

 

1 – Un rayonnement international évident

 

Le Royaume de France, en 1788 présente les aspects d’une très grande puissance :

Il s’agit du pays le plus peuplé d’Europe occidentale avec 26 millions d’habitants. Son économie est florissante grâce à la quantité et à la qualité de ses productions. Malgré les récentes confiscations des Anglais, le royaume possède des comptoirs et des colonies outre-mer qui génèrent un commerce actif.

L’armée de terre est une des plus volumineuses et des mieux organisées du monde dotée d’un armement performant, notamment au niveau de l’artillerie (système Gribeauval).

La marine, la « Royale » est un instrument formidable capable de donner beaucoup de fil à retordre à la marine anglaise.

La « ceinture de fer » élaborée par Vauban a préservé le royaume de l’invasion depuis le règne du Roi Soleil.

Le prestige international de la France est à son apogée : sa langue, sa culture sont des phares pour le reste du monde. Versailles en est la quintessence.

Les sciences progressent avec des chercheurs réputés comme Buffon et Lamarck pour les sciences naturelles, Lavoisier en chimie. L’innovation technique n’est pas en reste avec la première « automobile » à vapeur de Cugnot (1770), le premier bateau à vapeur (Jouffroy d’Abbans (1780), la montgolfière (1783). La population française a la réputation d’être habile et tempérée. L’instruction de la population, y compris des femmes progresse également.

La France de 2018 présente encore une image encore flatteuse dans le monde et tient un rang non encore négligeable. Immergés dans la décrépitude et l’horrible décadence de notre pays, cela tend à nous échapper, mais les peuples étrangers ont une vision de notre pays non dénuée de prestige. De toute évidence lorsqu’on aborde la notion de puissance et qu’on l’applique à notre pays cela suscite des polémiques. Certains compatriotes considèrent que nous sommes toujours le centre du monde alors que d’autres soutiennent que nous ne sommes plus qu’un souvenir au même titre qu’Athènes, Rome ou Byzance. La vérité se trouve bien entre les deux : la France est une moyenne puissance de petite taille. Moins de 1% des terres émergées, moins de 1% de la population mondiale. Pourtant nous disposons d’une énorme souveraineté maritime. Avec nos dépendances d’outre-mer nous nous classons au 7e rang des puissances économiques en PIB brut, au 28e pour ce qui est du PIB/hab. et au 21e rang en terme d’IDH. Notre armée, toujours moins nombreuse occupe la 5e place. Le français, en net recul dans le monde, demeure une langue diplomatique et la France reste une des cinq premières destinations touristiques mondiales. Il y a officiellement 220 États répertoriés à la surface du globe.

 

2 – Un état en apparence solide

 

1788 : Louis XVI, est un monarque absolu, il règne et gouverne sans partage et sans contrôle depuis le château de Versailles. Il concentre tous les pouvoirs en ses mains La magnificence de sa cour contribue à son aura. Il tient son pouvoir de Dieu. Il est le descendant d’une longue lignée de Rois qui remonte à Hugues Capet et à Clovis.

2018 : Manu Macron, 8e président de la Ve république a été investi des mêmes pouvoirs constitutionnels que ceux du général de Gaulle en 1958. Il nomme le premier ministre, est chef des armées, peut déclencher le feu nucléaire, partage le pouvoir exécutif avec le gouvernement, dispose de domaines réservés comme la défense, les affaires étrangères et les relations avec les anciennes colonies. Par l’article 16, il pourrait devenir dictateur de façon légale en cas de troubles graves à l’ordre public. De Gaulle a fait de la Ve république une véritable monarchie républicaine.

L’État et ses agents sont omniprésents et omnipotents. Avec ses préfets, ses sous-préfets, ses 6 millions de fonctionnaires, il reste le premier employeur et s’inscrit dans une longue tradition jacobine. Paris est plus que jamais le cœur de la France avec une hyper-concentration des pouvoirs.

 

A suivre…

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